La consécration épiscopale du P. Guérard des Lauriers
par Eberhard Heller
trad. Abbé Paul Schoonbroodt
Depuis que les recherches théologiques sur les rites d’ordination
post-conciliaires ont montré qu’ils sont dogmatiquement défectueux ou
au moins extrêmement douteux, c’est- à-dire que les ordres d’après les
nouveaux rites sont invalides, nous nous faisions de plus en plus de
soucis à propos du maintien de la succession apostolique; en effet,
celle-ci ne peut se maintenir que par la suite ininter-rompue des
ordinations valides, donc des sacres d’évêques et de l’ordination des
prêtres. Or, lors-que quelques membres de notre groupe en firent part à
Mgr Lefebvre, il les renvoya en disant avec sarcasme qu’ à Lima il
connaissait un évêque marié… peut-être pourrait-il s’intéresser à notre
problème. Nous prîmes ensuite contact avec Mgr Ngô-dinh-Thuc. Nous
faisions référence à sa déclaration faite lors des sacres épiscopaux à
Palmar de Troya/Espagne dans laquelle il faisait état de la situation
de nécessité et de la décadence générale de l’Eglise. Le révérend
Otto Katzer, docteur en théologie, très considéré en Europe par les
fidèles conservateurs et sédévacantistes comme théologien et pasteur
d’âmes, M. Hiller et moi-même, nous avions engagé une discussion avec
lui sur le problème de la vacance du siège apostolique et le danger de
la disparition de la succession apostolique en lui demandant pour
finir, si éventuellement il serait d’accord de sacrer un évêque.
Comme l’abbé Katzer, qui s’était porté candidat à l’épiscopat, était
malheureusement décédé subitement, il nous fallait trouver un autre
candidat digne, jouissant d’une bonne réputation auprès des fidèles. Ce
fut le P. Guérard des Lauriers, autrefois professeur à la Grégorienne à
Rome, ensuite professeur à Ecône pendant un certain temps. Il s’était
fait un nom comme coauteur de l’ »Examen critique du NOM » publié par
les cardinaux Ottaviani et Bacci. Nous lui demandions par écrit s’il
voulait se porter candidat pour l’épiscopat. Le Père réagit par une
lettre personnelle extraordinaire-ment franche et soucieuse, dans
laquelle il parlait aussi de la situation de la Hiérarchie. Il
connaissait par exemple les évêques italiens pour les avoir eus
autrefois comme élèves à l’université papale. Les pourparlers au sujet
de la situation générale et de la nécessité d’un sacre éventuel furent
menés avec le professeur Lauth et le M. Hiller à Etiolles près de
Paris, au domicile du Père Guérard des Lauriers. Ils tombèrent d’accord
sur la plupart des points discutés. Il restait cependant un point
controversé : le problème du siège vacant, parce que le P. Guérard des
Lauriers entendait interpréter ce problème par la thèse « papa
materialiter, non formaliter ». Car, si l’on fait abstraction de la
valeur théologique de cette thèse, des conséquences tout à fait autres
se feront jour dans le combat actuel de l’Eglise par rapport à la
position stricte du sédévacantisme tenue par nous, et plus tard aussi
par Mgr Ngô-dinh-Thuc. Si donc on voulait procéder en commun, l’on
devrait lever ces divergences ; nous avions la conviction que le P.
Guérard des Lauriers avec sa thèse était dans l’erreur.
Comme « conditio sine qua non » d’un sacre éventuel du P. Guérard des
Lauriers il importait à M. Hiller, M. Lauth et moi-même, qu’il
comprenne que sa thèse était fausse et qu’il ne pouvait être proposé
comme candidat-évêque qu’à la condition de renoncer à la thèse. Le
professeur Lauth retournait donc à Etiolles afin de lever par un
entretien approfondi ce dernier « empêchement » au sacre.
Lorsque Lauth revint à Munich il certifia à M. Hiller et à moi-même que
le P. Guérard des Lauriers avait laissé tomber cette thèse bizarre et
qu’il avait adopté notre position qui considère que le siège
apostolique est vacant. Là-dessus nous informions Mgr Ngô-dinh-Thuc,
qui nous faisait confiance du fait que nous avions entrepris avec lui
une chose ou l’autre pendant les années écoulées, afin qu’il établisse
un contact avec le P. Guérard des Lauriers comme candidat-évêque.
Seulement il apparut immédiatement après la consécration du 7 mai 1981,
que le professeur Lauth nous avait donné une fausse information : le
nouvel évêque fit savoir que cela ne le gênait pas de se trouver
dorénavant dans le schisme. A la question pourquoi il se sentait être
dans le schisme, nous apprenions qu’il n’avait pas abandonné sa thèse «
papa materialiter, non formaliter » et que donc, il n’avait pas adopté
la position sédévacantiste. Qu’on le note bien : si nous l’avions su
avant, M. Hiller et moi-même, nous n’aurions jamais recommandé le P.
Guérard des Lauriers comme candidat à la consécration épiscopale. Et
lorsque nous devions constater tous deux qu’en un premier temps Guérard
des Lauriers ne voulait pas exercer ses pouvoirs d’évêque, nous
contactions le P. Carmona et Mlle Gloria Riestra de Wolff qui publiait
le périodique TRENTO, par l’intermédiaire de M. Moser, afin de
découvrir si le P. Carmona serait éventuellement d’accord d’accepter
d’être évêque pour assurer la succession apostolique. Il accepta et
l’on sait que lui et le P. Zamora furent sacrés le 17 octobre 1981.
Le sacre du P. Guérard des Lauriers devait, de plusieurs manières,
s’avérer être un accident de parcours, tout comme d’autres sacres
aussi. Car, d’une part Mgr Guérard des Lauriers entreprit rudement Mgr
Ngô-dinh-Thuc, qui avait fui Toulon par crainte d’une persécution, en
venant habiter chez nous, pour qu’il acceptât la thèse « papa
materialiter, non formaliter ». Furieux, l’archevêque déchira ces
épîtres et lança les morceaux de papier par la fenêtre ; d’autre part
Mgr Guérard engagea quelque temps après une discussion publique avec
les évêques Carmona et Zamora au sujet de la position « juste» dans
cette crise de l’Eglise en ne se gênant pas de leur faire des reproches
personnels blessants ; dans le bulletin « Sous la Bannière » il
nous traitait, Gloria, M. Hiller et moi-même de schismatiques. Ce n’est
pas que je reproche à Guérard des Lauriers d’avoir émis la thèse « papa
materialiter, non formaliter », car n’importe qui peut se tromper, mais
je considère qu’il faut être sans gêne pour s’en prendre fortement et
de manière offensante à ceux-là mêmes qui l’avaient aidé à recevoir
l’épiscopat. On ne comprend absolument pas pourquoi il s’en prit à la
DECLARATIO de Mgr Ngô-dinh-Thuc, qu’il désavoua en faisant de la
propagande pour sa thèse. La campagne contre son consécrateur atteignit
un point tel qu’il fit circuler le bruit, pour autant que je me
souvienne, que ce n’était pas Mgr Ngô-dinh-Thuc qui était l’auteur de
cette DECLARATIO, mais les messieurs Hiller et Heller. Actuellement
encore je me vois obligé, à l’occasion, de menacer certaines personnes
de poursuites judiciaires, si elles continuent d’affirmer que Mgr
Ngô-dinh- Thuc, pour rédiger la DECLARATIO, se serait laissé «
corrompre ».
Puis en faisant une campagne sans gêne en faveur de sa thèse dont je
disais avec sarcasme, que c’est la thèse qui défend l’existence d’un «
demi Saint Père », et contre son consécrateur, contre ses
confrères, qui au lieu de le suivre lui, suivirent la DECLARATION au
sujet de la vacance du Siège apostolique ; ce qui eut comme conséquence
de nous affaiblir sensiblement dans notre combat pour l’Eglise.
Actuellement encore, ses élèves de jadis procèdent avec la même
insensibilité.
Mises à part de telles indélicatesses Mgr. Guérard des Lauriers a causé
un préjudice grave à notre combat en sacrant des candidats évêques sans
consulter ses confrères dans l’épiscopat, sans s’être concerté avec eux
et sans avoir examiné au préalable la situation et l’idonéité des
prêtres concernés ou sans tenir compte de réserves faites à leur sujet.
En cela il était la cause de ce que j’ai appelé le « schisme interne
» (cfr EINSICHT XXXI/2, p. 32 ss.) Il sacra donc e. a. l’abbé
Storck, très doué, gradué en philosophie et docteur en théologie,
qui comme prêtre s’était impliqué avec Ecône et avec des clercs «
vagues » (vagi), en dépit des objections faites par Mgr Vézélis. Et
dire qu’il sacra le P. McKenna o.p. sur les instances d’une dame d’un
certain âge en Suisse ; c’est pourquoi ce père changea quelques
semaines avant son sacre sa position théologique pour rejoindre la
théorie de Mgr Guérard des Lauriers dont il garde actuellement encore
la position. Il a été sacré par lui malgré les protestations de
certains fidèles et de nouveau sans s’être concerté avec les évêques
Musey et Vézélis qui exerçaient leur fonction aux Etats-Unis
d’Amérique. Il fit aussi, sans consulter préalablement les autres
évêques, le sacre de Munari, ancien d’Ecône, qui entre-temps est
retourné à l’état laïc.
Peut-être pourrait-on retenir en faveur de Mgr Guérard des Lauriers,
mort le 27 février 1988, approchant du 90ième anniversaire, d’avoir
tenté de trouver à la situation dans laquelle nous nous trouvons, une
solution claire au problème de la juridiction, -contrairement à
d’autres évêques !- et aussi qu’à la fin de sa vie il remit en question
la justesse de sa thèse, après qu’elle avait donné lieu à tant de
désenchantement , et qu’il était près d’adhérer à la déclaration de Mgr
Ngô-dinh-Thuc qui y avait marqué la position du sédévacantisme.
(SAKA-Informationen de mai 1988)
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