Le Siège apostolique „occupé“
Ou : la schizophrénie comme principe théologique
- Notes au sujet de la thèse « Papa materialiter non formaliter »
de Mgr. Guérard des Lauriers -
par Eberhard Heller
trad. Abbé Paul Schoonbroodt
Ce n’est pas ce que vous pensez !
Non, il n’y eut pas d’élection nouvelle d’un pape. Rendons grâce à
Dieu, penseront certains. En effet, il n’y a que trop de « saints Pères
» : Bawden, Linus II, Grégoire (Palmar) etc.
Du reste, il n’y a pas nécessité d’en avoir un, car Jean Paul II
continue d’occuper ce siège. C’est ce qu’affirment non seulement les
modernistes et les novateurs, ou même les gens d’Ecône et les membres
de la Fraternité St. Pierre, mais aussi les disciples de Mgr Guérard
des Lauriers qui se sont fixés en Italie du Nord et aux Etats-Unis
d’Amérique. Ils sont tous de cet avis, en quoi ils s’opposent à nous
sédévacantistes. Cette vision des choses est en définitive le résultat
d’une reprise récente de la discussion avec un groupe appartenant à un
mouvement de la résistance aux réformes que je supposais adhérer encore
à cette fausse thèse de « Papa materialiter, non formaliter », pour des
raisons de piété filiale à l’égard de Guérard des Lauriers, leur mentor
théologique de jadis, Mais je me suis lourdement trompé ! Car la
virulence de cette thèse formant le fondement d’un système théologique
d’ensemble qui revêt pour ses adhérents une importance plus grande que
le dépôt de la foi, reste inentamée chez le groupe qui entoure l’abbé
Ricossa. Récemment le sacre de l’abbé Stuyver (Belgique), le 17 janvier
2002 par Mgr McKenna fut justifié par le fait qu’il adhère à cette
thèse. Nous avons donc maintenant un « évêque pour la thèse » auquel
est venu s’ajouter l’abbé Sanborn aux Etats-Unis. Le fait de justifier
le sacre d’évêques en disant qu’ils adhèrent à un certain théorème,
présente un phénomène assez singulier du point de vue théologique et
ecclésiastique.
Introduction ou ceux qu’on croyait morts ont la vie plus longue
Le 17 décembre 2001 j’écrivais à l’abbé Ricossa:
.. Vous avez l'intention de faire sacrer l'abbé Stuyver parce qu'il
adhère à la thèse 'Papa materialiter non formaliter' de Guérard des
Lauriers, qui se trouve être en contradiction avec 1e jugement de fait
publié par S.E. Mgr. Ngô-dinh-Thuc dans sa DECLARATlON de 1982 où il
précise que le Siège apostolique est vacant. Normalement vous savez que
l'auteur de cette thèse Mgr. Guérard des Lau-riers a revu plus ou moins
cette thèse à la fin de sa vie (cfr. Une lettre à ce sujet dans les
SAKA-Informationen). Malgré cette révision. vous et votre
communauté vous continuez à y adhérer avec insistance alors que, à ma
connaissance, vous n'avez pas justifié théologjquement pourquoi vous
persistez à la défendre.
Il apparut dans le cadre du sacre de l’abbé Stuyver qui s’effectua
grâce à l’abbé Ricossa, un ancien d’Ecône, et ce malgré plusieurs
protestations de prêtres belges et français auxquels je m’étais joint,
malgré aussi l’insistance de quelques fidèles de son groupe – en effet,
certains avaient fait une neuvaine afin d’obtenir l’abandon du projet
(estimant qu’il serait difficile à ce prêtre de faire face aux devoirs
de cette fonction)- Il apparut donc à cette occasion avec quelle
obstination les membres de la communauté Mater Boni Consilii (= Mère du
Bon Conseil) de Verrua Savoia en Italie adhèrent encore toujours à ce
cadavre théologique. Jusque là on pouvait penser que l’abbé Ricossa
maintenait cette thèse par piété filiale, car sur le terrain il
collaborait avec des prêtres sédévacantistes comme Mgr Dolan, le P.
Barbara et l’abbé Schoonbroodt puisque ces deux derniers avaient prêché
plusieurs fois une retraite dans la maison. D’ailleurs le dernier
savait que l’abbé Ricossa avait dit à quelqu’un que si on lui proposait
une solution meilleure à la crise actuelle de l’Eglise, il prendrait
ses distances par rapport à cette thèse. C’était une erreur que d’y
compter! Ceux dont on pense qu’ils sont morts, ont d’ordinaire la vie
plus longue, hélas !
Malgré de nombreuses objections et de réfutations de la thèse « Papa
materialiter non formaliter » - je pense en particulier aux articles
fouillés de Myra Davidoglou dans le périodique LA VOIE, mais aussi aux
arguments exposés dans ‘Einsicht’, les disciples de Mgr Guérard des
Lauriers et en particulier l’abbé Ricossa ne se sont pas prêtés jusqu’à
présent à une véritable discussion. Ils continuent de prendre sur eux
de paralyser par leur insistance sur cette position intenable, les
efforts que nous faisons tous de travailler en vue d’arriver à la
restitution de l’Eglise.
Comme l’abbé Ricossa en qui je vois le principal responsable de toutes
ces initiatives, n’a pas réagi jusqu’à présent à la proposition de
réexaminer la thèse « papa materialiter non formaliter » aux fins
d’arriver à une position commune ou bien de se séparer à cause de
divergences théologiques insurmontables, je ne vois de mon côté que la
possibilité d’opposer à nouveau mes arguments contre cette thèse en
espérant arriver à une clarification définitive des esprits et de
contribuer à une solution décisive sur ce sujet si important.
Je ferai suivre cet exposé systématique d’un compte-rendu sur les
circonstances qui furent celles du sacre du P. Guérard des Lauriers en
1981.
Que veut dire la formule « Papa materialiter, non formaliter » ?
Que signifie donc la formule « Papa materialiter non formaliter », par
laquelle Mgr Guérard des Lauriers tenta d’interpréter la situation de
Jean Paul II par rapport à la foi et à l’Eglise. Le reconnaissant comme
occupant légitime du siège de Pierre il le trouve dans une situation de
conflit puisqu’il est normalement chargé de défendre la foi.
D’après l’opinion de Mgr des Lauriers qu’il publia dans le périodique
CASSICIACUM, Wojtyla fut élu légitimement à la papauté – par une pars
minor et sanior, c’est à dire 10 cardinaux environ, créés par Pie
XII-, raison pour laquelle il est « Papa materialiter ». Mais
étant donné qu’il enseigne habituellement l’hérésie – ce qui ne lui est
pas permis comme docteur suprême, il n’est pas pape formellement : «
Papa non formaliter » c’est à dire il n’agit pas comme pape. Mais il
demeure pape matériel, ce qui signifie qu’il demeure en quelque sorte
un pape potentiel. Car, si en tant que docteur suprême et comme
pasteur il proclamait de nouveau des enseignements orthodoxes en
matière de foi et de mœurs, Jean Paul II serait alors tant Papa
materialiter que formaliter et pour le dire de manière que tout le
monde comprend : il devient/est de nouveau tout normalement pape.
En janvier 1984 Mgr Guérard des Lauriers écrira dans les
SAKA-INFORMATIONEN : Actuellement l’Eglise militante est occupée et se
trouve dans un état de privation. W. (c’est- à- dire Mgr Wojtyla) a été
élu régulièrement, (ce que j’admets jusqu’à preuve du contraire)
par un conclave qui était composé d’une dizaine de cardinaux
authentiques (qui n’ont pas protesté contre l’élection) et il prit
possession du siège apostolique ; il est donc ainsi materialiter
(d’après les données juridiques externes) pape. A côté d’autres
prévarications W. (Mgr Wojtyla) profère habituellement l’hérésie.
Manifestement W. cause du préjudice au « bien commun » de l’Eglise
militante, alors qu’il devrait promouvoir celui-ci. Par conséquent W.
est inapte à exercer l’autorité tant sur la base du droit naturel
que métaphysiquement et juridiquement. Comme le droit naturel tire en
fait son origine de Dieu, W. ne possède pas l’autorité de fait. Il
n’est pas et ne peut être pape ‘formaliter’ (donc au sens propre du
terme). L’on ne doit pas lui obéir, car ses pseudo-ordres sont nuls ».
– Je fais remarquer que Mgr Guérard des Lauriers aurait dû au fonds
présenter sa thèse uniquement comme hypothèse parce qu’il la relie à la
condition d’une élection régulière.
L’Institut « Mater Boni Consilii » dont l’abbé Ricossa fait également
partie, suit d’ailleurs cette position dans les termes que voici :
L'Institut et la crise ouverte par Vatican II
« Hélas tout le monde peut constater que l'Eglise traverse une de ces
tempêtes prédites par le Seigneur, sans doute la tempête la plus
terrible de son histoire millénaire. Pour l'Institut, l'origine de
cette crise se trouve dans Vatican II. L'enseignement de Vatican II sur
la collégialité épiscopale, sur la liberté religieuse, sur
l’œcuménisme et l'appartenance des non-catholiques au Corps
mystique du Christ, sur les religions non-chrétiennes et
particulièrement le judaïsme, sur les rapports entre l'Eglise et le
monde moderne etc., est en contradiction avec le magistère de l'Eglise,
de tant de Papes, de tant de Conciles œcuméniques. La réforme de la
liturgie, spécialement de la Sainte Messe, et celle du droit canon sont
nocives pour les âmes, favorisent l'hérésie protestante; est déclaré
parfois licite ce qui est au contraire illicite de droit divin (par
exemple la communion avec les hérétiques dans les choses sacrées). Tout
ceci ne peut venir de l'Eglise catholique guidée par l'Esprit-Saint,
non plus que d'un légitime successeur de Pierre doté du charisme de
l'infaillibilité. Face à cette crise sans précédent qui implique
nécessairement ceux qui ont approuvé les documents conciliaires et les
réformes qui ont suivi, l'Institut se rend compte qu'il ne peut
accepter ces nouvelles doctrines contraires à la foi et aux mœurs, mais
qu'il ne peut pas non plus inciter les fidèles à la désobéissance
envers l'autorité légitime de l'Eglise. En adoptant la thèse dite de
Cassiciacum (du nom de la revue de théologie qui la divulgua pour la
première fois), l'Institut suit la position du regretté théologien
dominicain, le Père M.L. Guérard des Lauriers, membre de l'Académie
Pontificale de Saint Thomas, ancien enseignant à l'Université
Pontificale du Latran et au Saulchoir en France; selon cette thèse Paul
VI et ses successeurs, bien que canoniquement élus au Pontificat, ne
possèdent pas l'autorité pontificale. En termes scolastiques et selon
la distinction enseignée déjà auparavant par le grand commentateur de
saint Thomas au XVème XVIème siècle, le cardinal Cajetan, puis reprise
par saint Robert Bellarmin, ils sont "papes" materialiter mais pas
formaliter, pour la raison que, ne poursuivant pas le bien de l'Eglise
et enseignant l'erreur et l'hérésie, s'ils ne rétractent pas d'abord
leurs propres erreurs, ils ne peuvent en aucune façon recevoir de
Jésus-Christ l'autorité pour gouverner, enseigner et sanctifier
l'Eglise ».
(Des informations peuvent être obtenues auprès de l’ Istituto Mater
Boni Consilii Località Car-bignano 36, I – 10020 Verrua Savoia –
Tél. 0161/839335 – Fax : 0161/839334, e-mail :
<sodalitium@plion.it>, via la homepage : www. Plion.it/sodali)
Malgré l’affirmation exprimée plus haut comme quoi Mgr Wojtyla “
enseigne l’erreur et l’hérésie », la tête pensante de l’Institut,
l’abbé Ricossa rejette le reproche selon lequel Jean Paul II est un
hérétique « formel » ce qui signifie en définitive que Ricossa est
d’avis que Mgr Wojtyla n’a pas conscience de ce qu’il dit… et ce comme
soi-disant docteur suprême ! Cette attitude est d’autant moins
compréhensible que Ricossa, lors de son départ d’Ecône avec trois
autres pères : Munari, Nitoglia et Murro, avait justifié sa décision en
condamnant les erreurs d’Ecône concernant l’autorité du pape et du
magistère. 1)
Puisque Wojtyla est encore toujours « Papa materialiter » - et cela
malgré son hérésie notoire (un auteur américain a dressé une liste de
pas moins de 101 hérésies de Jean Paul II !) – j’ajoute pour compléter
: malgré son apostasie, l’on ne peut pas affirmer que le Siège
apostolique est vacant. Il n’est donc pas « activement» pape parce
qu’il ne s’acquitte pas des obligations inhérentes à sa fonction. C’est
la raison pour laquelle Ricossa et ses adeptes ne peuvent pas non plus
inciter les fidèles à la désobéissance envers l'autorité légitime [à
savoir Mgr. Wojtyla] de l'Eglise ».
Si l’on veut simplifier, la thèse « Papa materialiter non
formaliter » peut être ramenée à une formule très facile : Jean Paul II
a été élu légitiment à la papauté. Il demeure pape même « s’il enseigne
habituellement l’hérésie ». Seulement il n’est pas permis d’obéir à ses
prescriptions hérétiques. Si ensuite Jean Paul II enseigne la doctrine
de l’Eglise, il sera de nouveau pape à part entière. Il n’y a qu’à
attendre sa conversion.
Or, cette position peut être mise en question de plusieurs manières :
1. Est-elle conforme aux arguments que l’Eglise a développés au sujet du « papa haereticus » ?
2. Est-ce que Jean Paul II a été élu légitimement en fait?
3. Un hérétique peut-il être vrai pape ou rester pape ?
4. Quelles conséquences en résultent pour ce qui est de la reconstitution de l’Eglise ?
1. Une nouvelle création théologique
A première vue la thèse « Papa materialiter non formaliter » paraît
vraisemblable : comme docteur suprême de l’Eglise un pape ne peut pas
simultanément enseigner des hérésies. Mais s’il le fait, on ne peut pas
lui obéir…tant qu’il ne revient pas à la foi orthodoxe ; il demeure
pape potentiel parce qu’il a été élu.
Dans le cours des années j’ai constaté avec étonnement que la plupart
des clercs et des fidèles ont des difficultés à admettre l’idée qu’un
pape puisse tomber dans l’hérésie (papa haereticus). Aux yeux de
beaucoup, le pape (ou « le pape ») est une fortification
inexpugnable, et l’on n’aura guère de succès si l’on voulait la
démolir. En le disant je ne vise pas l’opinion publique au sens large à
laquelle les catholiques modernistes se sont rattachés – il suffit
d’observer la déférence béate, partiellement enthousiaste avec laquelle
la presse libérale 2) même ovationne Mgr Wojtyla, mais aussi beaucoup
de traditionalistes, clercs et laïcs. N’est-ce pas le Christ lui-même
qui promit à Pierre : « Tu es pierre et sur cette pierre je bâtirai mon
Eglise ? ( Matth. 16,18) De plus, au concile Vatican I l’infaillibilité
pontificale fut proclamée comme dogme :
« le Pontife romain, lorsqu’il parle ex cathedra c’est-à-dire lorsque,
remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens,
il définit, en vertu de sa suprême autorité aposto-lique, qu’une
doctrine sur la foi ou les mœurs doit être tenue par toute l’Eglise,
jouit, par l’assistance divine à lui promise en la personne de Pierre,
de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût
pourvue son Eglise, lorsqu’elle définit la doctrine sur la foi et les
mœurs. Par conséquent, ces définitions du Pontife romain sont
irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de
l’Eglise. » (Denz. 1839)
Ce qui ne doit pas être, tout simplement ne pouvait pas être, savoir
qu’un pape pourrait devenir hérétique ! Lorsqu’on parlait d’hérésie et
de schisme dans le cas Paul VI- ici je pense aux études fouillées de
l’abbé De Nantes avec son Liber accusationis ou son périodique CRC,
l’on faisait savoir de manière légaliste et mystique que le pape
demeure pape, même comme hérétique il reste pape en puissance, ou en
acte s’il revient à la foi orthodoxe. Finalement l’on usa du truc
théologique à propos de l’hérétique mais qui n’était pas hérétique «
formellement ». Souvent l’on était à la recherche de preuves pour
démontrer que Montini, au fond, n’avait jamais été pape. M. Gliwitzki a
caractérisé avec pertinence cette attitude de la manière suivante : «
Avoir renoncé depuis longtemps d’une manière habituelle à faire
comprendre la foi c’est une des racines les plus profondes de la
soi-disant crise, dans laquelle nous nous trouvons. Il faudra donc que
nous nous efforcions, en respectant les signes, de faire progresser la
connaissance, quand d’autre part l’on est simplement d’ « avis » et «
quand on souhaite, quand on espère, quand on croit et quand on connaît
une chose en vérité ». (Einsicht, 1ère année, Nr. 12 p. 37 – article
sur Garabandal »).
Le P. Guérard des Lauriers avait bien résumé cette attitude –
probablement psychologiquement compréhensible- par la formulation de sa
thèse. Mais est-ce qu’elle correspond bien à la doctrine de l’Eglise et
est-ce qu’elle reflète l’opinion de ses docteurs ? S. Paschase au 9e
siècle fait déjà remarquer : »Quiconque cherche en dehors de la vérité,
ne trouvera que des erreurs, et s’il n’accepte pas ce que le Christ a
dit, il se place en dehors de la vérité» 3). Ce principe vaut
évidemment aussi pour le pape. « Un pape peut se séparer de la tête
c’est à dire du Christ par désobéissance en matière liturgique qu’il
lui incombe de sauvegarder ». « Tous les chrétiens ont le devoir de
résister à un pape qui cherche à détruire l’Eglise » 4). Suarez
fait remarquer « qu’un pape qui proclame des hérésies, n’est plus pape,
et s’il erre, il n’erre plus comme pape, comme l’Eglise n’erre pas non
plus et elle pourra passer à l’élection d’un nouveau pape 5). Dans « In
Romani Ponitficis definiendo infallibilitas » il est dit: “Un pape se
met hors de l’Eglise par le simple fait de se rendre coupable
d’hérésie, car c’est Dieu lui-même qui le destitue automatiquement de
son office” 6). S. Robert Bellarmin , docteur de l’Eglise, juge aussi «
qu’un hérétique notoire ne peut pas être pape » 7).
C’est pourquoi l’on ne peut pas comprendre pourquoi Ricossa se réfère à
S. Bellarmin pour justifier la thèse de Guérard des Lauriers, surtout
que cet auteur ne connaît pas la distinction entre un pape « formaliter
» ni « materialiter » , mais qu’il exclut même explicitement la
possibilité d’un pape qui serait hérétique. (dans « De Romano Pontifice
»).
Si l’on compare la thèse de Guérard des Lauriers avec les jugements
exprimés plus haut, l’on peut constater aisément qu’il n’y a pas de
partage entre un pape « en acte » et un pape « en puissance », car de
son hérésie il s’ensuit immédiatement la perte de sa fonction.
Dans son argumentation théologique Myra Davidoglou montre bien que la
thèse de « papa materialiter, non formaliter » est une nouveauté : «
Tous les papes que l’Eglise catholique a connus depuis sa fondation
sont papes formels ; l’idée d’un pape potentiel ayant droit au titre de
Pontife romain et au Siège apostolique est une nouveauté, en ce
sens que rien, absolument rien n’autorise à déduire de l’Ecriture
sainte ou de la Tradition apostolique, les deux seules sources de la
Révélation divine, ni même de l’histoire de l’Eglise, la possibilité de
l’existence d’un tel pape. Sous ce rapport, nous avons donc affaire à
une doctrine purement humaine… » (LA VOIE 1991 n° 21, p. 2, Analyse
logique et théologique de la thèse dite de Cassiciacum »).
Myra Davidoglou continue : « Dira-t-on que celui qui a perdu la papauté
n’en est pas pour autant déchu ?… Et pourtant c’est sur l’apparaître,
comme il dit, que l’auteur va s’appuyer pour tenter d’établir
l’occupation, non de fait (laquelle est évidente), mais de droit du
Siège de Pierre par des hommes comme Montini ou Wojtyla, dont lui-même
nous rappelle par ailleurs qu’ils sont des hérétiques, donc en droit,
sinon en fait, hors de l’Eglise, parce qu’excommuniés et anathématisés
par le Concile du Vatican (1870).
Il est vrai que des Lauriers ne nie pas la possibilité de la vacance du
Siège apostolique, mais selon lui, elle aurait existé, si l’élection au
pontificat suprême de Montini et de Wojtyla avait été nulle, ce qu’il
faudrait prouver.
Des Lauriers, ancien professeur à la Grégorienne et ses disciples ne
comprennent pas que le reproche d’hérésie ne s’adresse pas au pape
comme pape, car ainsi l’on jugerait pour ainsi dire le pape, ce
qui n’est pas permis selon l’adage « le pape ne peut être jugé par
personne », (car, comme pape il est le juge suprême) 8), mais il s’agit
d’un jugement de fait par lequel on déclare qu’à cause d’une hérésie
déterminée la personne concernée a cessé d’être pape.
2. Pape validement élu ?
Supposons – afin de suivre la position de Mgr Guérard des Lauriers –
que Mgr Wojtyla ait été élu par une « pars minor et sanior ». Si l’élu
avait été un évêque de foi orthodoxe, son élection aurait pu être
valide. Mais l’on peut contester à juste titre l’orthodoxie de Wojtyla
avant son élection.
Je fais l’économie d’énumérer les hérésies bien connues qu’il a
exprimées bien avant son accession au trône de Pierre. Qu’il me suffise
de rappeler qu’il a particulièrement favorisé les réformes
(contrairement au cardinal Wyschinsky qui, même s’il n’a pas résisté
non plus, a cependant le mérite d’avoir encou-ragé par son engagement
les Polonais dans leur attitude anti-communiste).
Conformément à la bulle du 15 février 1559 « Cum ex apostolatus officio
» de Paul IV les prélats et évêques qui ont dévié de la foi catholique
avant leur élévation, perdent automatiquement leur autorité et tout
office. Ils sont inaptes à exercer une fonction. Après avoir
confirmé toutes les sanctions qui frappent les hérétiques et les
schismatiques 9) Paul IV parle très explicitement des
hérétiques :
« … que si jamais il advient qu’un évêque, même ayant fonction
d’archevêque, de patriarche ou de primat ; qu’un cardinal de l’Eglise
romaine, même légat ; qu’un souverain pontife même, avant leur
promotion ou leur élévation au cardinalat ou au souverain pontificat,
ont dévié de la foi catholique ou bien sont tombés dans quelque
hérésie, la promotion ou l’élévation, même si cette dernière a eu lieu
avec l’assentiment unanime de tous les cardinaux, est nulle, invalide,
vaine et on ne pourra dire qu’elle est devenue valide ou qu’elle
deviendrait valide parce que l’intéressé accepte la charge, reçoit la
consécration, ou entre ensuite en possession du gouvernement et de
l’administration ou par l’intronisation du souverain pontife romain, ou
par l’acte d’obédience rendu à lui par tous, et quelle que soit la
durée de cette situation ».
« On ne pourra tenir l’élection pour légitime en aucune de ses parties,
et elle ne confère ni ne peut être censée conférer quelque pouvoir de
commander, ni dans le domaine spirituel, ni dans le domaine temporel, à
de tels hommes, promus évêques, archevêques, patriarches ou primats, ou
élevés au cardinalat ou au souverain pontificat. Toutes leurs paroles,
tous leurs faits et gestes, tous leurs actes administratifs, avec tout
ce qui en découle, n’ont pas le moindre effet juridique, et ne
confèrent à personne le moindre droit. Ces personnes ainsi promues ou
élevées seront, par le fait même, sans qu’il faille quelque autre
déclaration ultérieure privées de toute dignité, position, honneur,
titre, autorité, fonction et pouvoir à la fois… » Bulle « Cum ex
apostolatus officio » § 6.
Depuis la promulgation de cette bulle l’on ne peut plus alléguer le
principe de la « pars minor et sanior » des cardinaux électeurs
légitimes, car eux aussi avaient perdu leur fonction à cause de
l’hérésie. (Mgr. Guérard des Lauriers adopta en ce qui concerne
l’hérésie des évêques et cardinaux italiens une position à part
relevant de son expérience avec eux lorsqu’ils étaient ses
étudiants : un jour il dit à M . Hiller et à moi-même que les
séminaristes italiens qui avaient suivi ses cours étaient tellement
bornés qu’ils ne seraient pas capables d’adhérer à des hérésies parce
qu’ils ne savent pas ce que c’est.) . En l’occurrence la loi du
CIC qui stipule que le droit des cardinaux au vote n’est pas limité par
les censures sanctionnant les délits canoniques, ne s’applique
pas dans ce cas parce qu’il ne s’agit pas de délits canoniques mais de
délits contre la foi.
L’on avance comme argument que Jean Paul II est seulement hérétique
matériel, mais non formel c’est- à -dire il adhère à l’hérésie sans
s’en rendre compte. Qu’est-ce que cela peut bien signifier ? Le docteur
suprême et le gardien de la doctrine de la foi ignore ce qu’il a comme
devoir d’enseigner et de garder ! Voilà les issues théologiques
auxquelles des gens comme Ricossa recourent afin d’être dispensés de
tirer les conclusions définitives. Et pourtant, le Canon 16 § 2 du code
de droit canonique exclut l’opinion qui veut qu’un hiérarque, en
particulier, s’il s’agit de quelqu’un qui est investi du magistère dans
l’Eglise peut faire valoir qu’il ne connaît pas les vérités de la
foi !!! Du fait que Wojtyla a été sacré évêque du vivant de Pie XII il
y avait obligation de faire une enquête d’information et de définition
afin de prouver son orthodoxie. (cfr CIC can. 330 et 331)
3. Un hérétique peut-il être pape, peut-il être successeur de S. Pierre ?
Les docteurs de l’Eglise et les théologiens qui se sont occupés de
l’hérésie du pape ont, comme montré plus haut avec Bellarmin, Cajetan
et Suarez, clairement nié la question de savoir si un hérétique peut
être pape. M. l’abbé Katzer, docteur en théol., défendit
dans les pays germano-phones une position théologique semblable à celle
du P. Saenz y Arriaga au Mexique ; il s’est occupé plus en détail de
cette question dans l’article « Unbesetzter Apostolischer Stuhl » = le
Siège apostolique inoccupé) (EINSICHTVIII/5 décembre 1978, p. 168 ss.
Réimpression EINSICHT XXXII/1 p. 13 ss). Il explique que le Siège
apostolique peut être vacant
1. par la mort naturelle du pape,
2. par la mort morale du pape.
Le pape est mort moralement, s’il a péché manifestement contre la foi
et la morale. Mais le Siège apostolique n’est pas vacant pour autant.
Comme le pape Pie VI l’explique dans la célèbre Constitution
apostolique ‘Auctorem fidei’, si importante pour notre époque, se
référant à S. Pierre Chrysologue 10) : « Pierre, vivant sur son trône
et possédant aussi la primauté, présente à ceux qui l’interrogent la
vérité de la foi. Cela se réalise par les décrets infaillibles et
irrévocables du Siège Apostolique. »
La définition de Bellarmin, selon laquelle « Papa haereticus depositus
est » (c’est à dire un constat : il est déposé ») est complétée par la
formule de Cajetan « deponendus est (« doit être déposé ») ; il
faut comprendre que le constat doit être rendu public. Autrement dit,
l’Eglise doit déclarer que la personne en question est déposée parce
que l’Eglise est une société visible et juridique qui a besoin d’être
informée au sujet de la situation de son chef.. Or c’est exactement ce
que S. E. Mgr. Ngô-dinh-Thuc a fait en publiant sa déclaration du 25
février 1982. Nous ne voulons pas dire par là que la vacance du Siège
Apostolique a été constatée une première fois par cette déclaration et
que les conséquences en aient été tirées, mais le seul document émanant
d’un dignitaire autrefois élevé et très-estimé par lequel ce constat a
été établi et proclamé publiquement. Même si Mgr Ngô-dinh-Thuc a
agi ex caritate c’est à dire par souci du bien de l’Eglise, et
non en raison de sa fonction, il a prononcé ce constat comme évêque de
l’Eglise catholique romaine ce qui oblige juridiquement en conscience.
Cette Déclaration est bien le document qui nous permet de justifier
juridiquement notre résistance et les autres activités, en dépassant
même les raisons personnelles que nous avons de comprendre que la
hiérarchie est déchue 11).
La thèse de Guérard des Lauriers « un pape tombé dans l’hérésie » –
attention ! un pape légitimement élu !- un « pape materialiter »
c’est à dire un pape qui peut être potentiellement pape est de ce fait
clairement réfutée. La fonction de pape est donc définitivement
terminée dès que le dépositaire de la fonction tombe dans l’hérésie
c’est- à- dire il se destitue lui-même. Le truc qui consiste à dire
qu’il n’est pas conscient de son hérésie c’est-à-dire non hérétique
formel n’est pas d’application dans ce cas ; nous le montrerons.
Pourquoi bien ? Parce que celui qui est installé comme successeur du
vicaire de Jésus-Christ sur terre comme docteur suprême et gardien de
la pureté de la foi ne peut pas proclamer simultanément la vérité et
son contraire. Il est impossible de diviser l’identité du pape de
manière schizophrénique comme matérielle d’une part et comme formelle
d’autre part, car il lui serait impossible de conserver son identité
comme personne. Le fait de diviser de manière schizophrénique une
personne, -du point de vue de son être- n’est pas seulement
contradictoire, mais encore un contre-sens.
Un pape qui réclame l’infaillibilité en matière de foi et de mœurs et
qui personnifie par sa fonction la vérité, dans ces domaines, ne peut
pas adhérer simultanément à l’erreur et à la vérité. En appliquant ce
principe à la personne qui nous occupe cela ne signifierait non
seulement qu’on accepte le principe de contradiction, mais que l’on
adopte le principe de la schizophrénie en théologie. Il faut bien se
dire qu’au moment où Jean Paul II propage l’erreur – ce que Mgr Guérard
des Lauriers a affirmé quand il dit que Jean Paul II enseigne
habituellement l’hérésie-, il cesse d’être le défenseur de la vérité
immuable… même potentiellement.
Ajoutons à cela que la thèse « Jean Paul II est pape lorsqu’il proclame
quelque doctrine orthodoxe, mais il ne l’est pas lorsqu’il enseigne une
doctrine hérétique » signifie aussi qu’ il appartiendrait à tout fidèle
de se prononcer à chaque fois sur l’orthodoxie ou l’hérésie du pape.
De la sorte le Magistère romain passerait à chacun des fidèles ;
l’adage « Roma locuta, causa finita » (Rome a parlé, l’affaire est
entendue) ne vaudrait plus, mais : lorsque Rome aura parlé, les fidèles
pourront se lancer dans des discussions en règle. Alors l’autorité «
suprême » résiderait dans la personne de la très célèbre « Elise
Müller » - pardon : de « Madame le docteur Elise Müller ».
4. Il faut attendre la conversion du pape ou choisir une attitude empruntée à Becket
Comment se présenterait la restitution ou la restauration de
l’Eglise si l’on partait de la thèse « Papa materialiter, non
formaliter » ? 12) Etant donné que le pape « materialiter » reste
potentiellement pape – et ce malgré le fait qu’il diffuse l’erreur
voire même l’apostasie- il suffira de s’efforcer à ce qu’il devienne
Pape « formaliter ». Cela veut dire qu’il sera alors simultanément «
papa formaliter » et « materialiter » à partir du moment où il
enseignera (de nouveau) des doctrines orthodoxes. Les tenants de cette
position tels que l’abbé Ricossa, attendent donc que Jean Paul II se
convertisse. Pour cela il faut évidemment avoir une grande confiance en
la Providence divine, qui nous fait défaut, nous les sédévacantistes !
Notons que Mgr Storck s’énervait lorsque nous développions un certain
activisme en parlant de restauration ou même de l’élection d’un pape !
Ainsi la crise- par rapport à la restauration de l’Autorité - aurait
trouvé une solution, du moins en ce qui regarde Jean Paul II. Mais l’on
ne serait pas encore au bout des peines pour ce qui est des évêques (ou
entre-temps « évêques ») « episcopi materialiter, non formaliter »,
hérétiques et apostats, car ils devraient être traités de manière
analogue. (Peut-être le retour à la foi orthodoxe du pape «
materialiter » implique-t-il aussi celui des « évêques materialiter » ?
Mais ni Guérard des Lauriers ni Ricossa ne soufflent mot de la
certitude juridique ou du recouvrement de la juridiction de ces
nouveaux convertis. Qu’en sera-t-il si, dans ses décrets, Jean Paul II
mélange vigoureusement la doctrine orthodoxe et l’hérésie ? Car, il
faut savoir que Wojtyla est passé maître en fait de dialectique !
Est-il alors en même temps pape « materialiter » et pape formaliter/
non formaliter » ? C’est un jeu auquel l’on pourrait se livrer
indéfiniment.
J’ai toujours comparé cette attitude d’attente de la conversion de Mgr
Wojtyla avec la pièce de théâtre de Samuel Becket : En attendant
Godot. Le thème est le suivant : on attend Godot, mais l’on sait
qu’il n’arrivera jamais. Il s’agit donc d’une attente tout à fait
insensée. Bien sûr, on peut composer des pièces de théâtre pour
représenter le non-sens à partir de telles absurdités, mais il n’est
pas possible ni de faire de la théologie ni de restaurer l’Eglise à
partir d’un tel principe. Est-ce que Mgr Guérard des Lauriers aurait
perdu de vue que l’apostasie fait partie des péchés irrémissibles parce
qu’elle est un refus de la vérité vivante en elle-même? Est-ce que ses
disciples, dont Mgr Sanborn aux Etats Unis ont oublié cela ?
Entre-temps les fidèles continueront leur vie religieuse/ecclésiale ;
ils critiqueront ce qui mérite d’être critiqué, ils en appelleront «
aux évêques et au « Saint Père ». Et lorsque les ordres donnés sont en
contradiction avec la Foi, ils n’obéiront pas. Mais, si l’on procède
alors par « un zèle excessif » ou « par impatience » à l’ordination de
prêtres ou au sacre d’évêques, ne s’agit-il pas là d’indices
schismatiques du fait qu’on manque tout de même de confiance en la
Providence divine ?
Essayons d’expliquer par un exemple du domaine militaire les
conséquences absurdes qui résultent de la position de Ricossa et sa
communauté « Mater Boni Consilii » - qui tient peut-être ses conseils
d’une autre source - semble être plus importante que le reste de
la foi catholique. Supposons qu’un général se rende coupable de haute
trahison et livre à l’ennemi sa patrie ainsi que toute l’armée qu’il
commande. Au lieu de faire condamner ce général par le tribunal
militaire et d’en faire élire un nouveau, les disciples de des Lauriers
recommandent d’attendre jusqu’à ce que ce traître décide de changer de
front afin qu’ils puissent de nouveau « le servir fidèlement ».
Entre-temps les soldats, comptant pleinement sur un changement
d’attitude de leur général (théologiquement pleins de confiance en
Dieu) laissent faire l’ennemi en toute liberté.
J’espère donc vous avoir montré à suffisance que
a) la thèse « papa materialiter, non formaliter » est impossible à tenir théologiquement et
b) que le fait de ne pas lâcher la thèse dresserait un obstacle à la
restitution ou la restauration de l’Eglise, qui s’impose d’urgence.
Par conséquent il ne reste aux disciples de Guérard des Lauriers qu’à
laisser tomber cette thèse et de rejoindre le sédévacantisme tel
qu’il se trouve formulé dans la déclaration de Mgr Ngô-dinh-Thuc,
d’accepter et d’appliquer les directives qui y sont édictées pour
restaurer l’Eglise. Sans quoi nous, les sédévacantistes, nous nous
verrons obligés de cesser de voir en eux des alliés de notre action
pour l’Eglise. Une coopération, même sur le plan pastoral, ne serait
dès lors plus possible.
Chapitre sur les chances manquées ou de l’urgence au chaos
Pour terminer voici quelques notes sur la situation actuelle. Si l’on
considère l’attitude des fidèles, mais en particulier des prêtres et
des évêques qui prétendent travailler pour le maintien de la foi et la
restauration de l’Eglise, force est de reconnaître qu’hélas, un peu
partout, c’est le sectarisme et la résignation que l’on peut observer.
Suite à la proclamation de la Déclaration – si l’on ne tient pas compte
des tentatives de rassemblement des fidèles au début des années 90 par
Mgr Carmona, qui est décédé sur ces entrefaites, et que Mgr Davila
voudrait poursuivre- rien n’a été fait pour restaurer l’Eglise comme
institution de salut. Lors de sa visite à Munich, l’an dernier, Mgr
Davila a donné, d’une manière plutôt polie son avis sur la situation
: « Depuis les dernières 20 années nous, prêtres, nous nous
sommes limités à nous occuper de problèmes pastoraux ».
Or, le ministère des âmes ne peut être fructueux que s’il s’insère dans
les structures d’Eglise; car, l’administration des sacrements n’est
légitime que si l’on a l’intention de les donner comme actes de
l’Eglise ! Le Christ a donné les sacrements à l’Eglise parce qu’elle
seule en assure l’administration. Tout le reste devrait être mis sur le
compte du sectarisme. C’est pourquoi le but premier de tous nos efforts
doit être l’avancement de la restauration de l’Eglise. En effet,
le Christ a fondé l’Eglise comme institution de salut et non seulement
comme une simple communion de croyants, afin de garantir la
transmission non-falsifiée de sa doctrine et des secours de la grâce.
C’est pourquoi la restauration de l’Eglise comme institution de salut
est une exigence qui correspond à la volonté du divin fondateur. Mais,
c’est ici que surgit le dilemme. D’une part il manque, pour ce faire,
la jurisdiction nécessaire de l’Eglise parce que la hiérarchie a
apostasié, d’autre part précisément la reconsti-tution de cette
autorité de l’Eglise en est la condition nécessaire. Il faudra donc
trouver une solution claire et théologique à ce problème.
Le simple fait d’insister sur la situation d’urgence au niveau mondial
(l’absence d’autorité et d’unité) ne justifie pas l’action personnelle
et l’activisme de certains clercs ; du reste la situation théologique
n’est définie qu’imparfaitement. Cette attitude implique le danger de
sectarisme, d’autant plus qu’il est loisible à quiconque de tirer les
conclusions qu’il voudra. Tout prêtre qui fait ministère doit savoir et
certifier – c’est un devoir à l’égard des fidèles – qu’il agit en tant
que prêtre de l’Eglise catholique ! Sans quoi il se désigne ipso facto
comme sectaire, qui s’arroge de manière illégitime des pouvoirs
sacerdotaux. Il ne suffit pas de rappeler que les ordres reçus sont
valides (concedo la validité), pour se présenter comme prêtre
catholique. Personne n’aurait l’idée p.ex. de se procurer un uniforme
et un fusil pour se présenter ensuite comme soldat de l’armée allemande
ou mexicaine.
En quels termes une solution pourrait-elle être envisagée ? Pour
continuer l’exemple cité: il ne serait vrai soldat qu’au cas où il
aurait été enrôlé par cette armée et après qu’il aurait prêté serment.
En appliquant cet exemple à l’Eglise il ne serait vrai prêtre que
s’il pouvait attester d’être en possession d’un mandat de la véritable
Eglise. Le problème c’est de montrer où se trouve cette Eglise dans la
situation actuelle et dans quelle mesure l’on peut estimer que l’on a
été mandaté par elle.
A cela on objecte que, pour surmonter des difficultés actuelles on n’a
pas besoin d’une stratégie particulière, mais que l’on peut se réclamer
du principe de nécessité. Cette opinion n’est non seulement fausse,
mais encore très dangereuse. En prenant une initiative en cas de
nécessité l’on voudrait empêcher qu’une situation déterminée ne se
produise : je veux que quelque chose ne soit pas. Seulement, par cette
affirmation je n’indique pas ce qu’il faut qu’il soit. Si par exemple
je construis une digue, j’ai l’intention d’empêcher qu’une rivière ne
déborde et dévaste les champs. Ce faisant je n’ai cependant pas
indiqué, de quelle manière je vais ensemencer mon champ. Cela veut dire
qu’il me faut concevoir une idée personnelle positive sur la manière
d’exploiter et de cultiver mon champ.
Revenons à notre propre passé récent dans l’Eglise : il était
nécessaire, comme Mgr Ngô-dinh-Thuc l’a fait, de sacrer des
évêques sans mandat pontifical, afin de sauvegarder la succession
apostolique. Ce serait cependant une grave erreur de penser qu’à
l’avenir l’on pourrait se passer d’une situation régulière, et
finalement du mandat pontifical. Car, en se réclamant du cas de
nécessité on se livre à toutes sortes d’actions relevant du sectarisme
qui peuvent aller jusqu’au sacre condamnable de prêtres mariés
comme évêques. Si vous regardez autour de vous, chers auditeurs, ce qui
devait résulter d’une initiative en cas de nécessité, ne s’est même pas
produit : sauver la succession apostolique et l’Eglise. En effet, nous
nous trouvons en plein sectarisme : nous en sommes coupables et c’est
de notre faute ! J’attire votre attention sur l’occasion de cette
conférence 13), ce sont les sacres scandaleux par Mgr McKenna qu’il a
justifiés par cette thèse dont j’ai voulu vous apporter la preuve de
son inanité. Que d’abîmes se sont ouverts ! Nous avons donc besoin,
afin de reconstruire l’Eglise et pour sa reconstitution comme
institution de salut, de conceptions particulières :
- ces conceptions doivent être fondées théologiquement
- devant obligatoirement tenir compte des réalités actuelles
- il faut qu’elles soient aptes à transformer ces réalités de façon
telle que finalement l’Eglise soit de nouveau le lieu de la Révélation
de Dieu et de la communion des fidèles sous l’autorité d’un pape élu
légitimement.
Notes:
1) Les soussignés don Franco Munari, don Francisco
Ricossa, don Curzio Nitoglia et don Giuseppe Murro, obtempérant aux
enseignements de la morale catholique, qui enseigne la nécessité de la
rétractation publique suite à la diffusion de doctrines erronées
concernant la foi et les mœurs, déclarent faire publiquement AMENDE
HONORABLE
Pour avoir enseigné ou du moins laissé implicitement croire comme
conforme à la vérité, pendant la période 1982-1985, alors qu’ils
appartenaient à la Fraternité St Pie X, les erreurs suivantes :
1. le Pontife romain
jouit de l’infaillibilité seulement quand il enseigne « ex cathedra »
(c’est à dire lors-qu’il définit des dogmes)
2. Le Magistère ordinaire et universel de l’Eglise n’est pas infaillible.
3. Le Concile Vatican II, en tant que concile pastoral et non dogmatique, ne peut être infaillible.
4. Il est légitime et c’est un devoir de désobéir ordinairement à
l’enseignement doctrinal, moral et liturgique de l’Autorité légitime
(Pape et Evêques) tout en reconnaissant à la même Autorité tous les
pouvoirs qui lui sont propres selon la divine constitution de l’Eglise.
5. Il est possible que l’Autorité légitime (le Pontife romain)
promulgue et impose à l’Eglise universelle des lois (rite de la messe,
des sacrements, code de droit canon) contenant des erreurs, des
hérésies ou des lois simplement nocives au bien des âmes.
6. Il est possible qu’un authentique Pontife romain, vrai Vicaire de
Jésus-Christ, soit en même temps schismatique, apostat, en rupture avec
la Tradition et que ses actes soient considérés comme nuls. Les
présentes DECLARATIONS ERRONEES blessent mortellement le dogme
catholique concernant LA DIVINE CONSTITUTION DE L’EGLISE, SON
MAGISTERE, L’INFAILLIBILITE de l’Eglise et du Pontife romain.Les
signataires de la présente « Amende publique » demandent pardon et
prières à tous ceux qui auront pu être scandalisés, en assurant que,
avec l’aide de Dieu, d’aussi graves erreurs ne seront plus jamais
répandues.
2) Ainsi la SÜDDEUTSCHE ZEITUNG écrit dans
l’édition du 26 :07/02 : Cet homme âgé de 82 ans peut à peine tenir la
tête droite, il ne fait plus que bredouiller, la salive sort de sa
bouche. Malgré cela Jean Paul II a pris l’avion pour Toronto, afin d’y
recevoir les ovations de 200000 jeunes. Il a entrepris ce voyage
astreignant alors que les médecins le lui avaient déconseillé car ce
voyage allait épuiser ses réserves d’énergie. Il est persuadé d’agir
sur la base d’un mandat venant d’en haut et il est pratiquement seul à
croire fermement, d’être l’instrument de Dieu. En effet, Dieu l’a
choisi pour introduire l’Eglise dans le XXIème siècle ; Marie l’a
protégé contre la balle de celui qui perpétrait l’attentat contre lui
et maintenant il lui faut porter la maladie qui lui a été imposée. ‘Un
homme de douleurs habitué à la maladie’ dit-on dans le livre d’Isaïe
sur le serviteur souffrant ; Karol Wojtyla, marqué par la souffrance,
se voit manifestement comme un reflet de cette prophétie : il lui
faudra marcher dans cette voie, jusqu’au bout. »
3) P.L. 120, Paschasius Radbertus, Liber de Corpore et Sanguine Domini, co ;.1317
4) Ad sacrosancta Concilia a Philippo Labbe et Gabriele Cossartio edita Apparatus alter, Venetiis 1728
5) Defensio Fidei, lib. V. De antichristo, Tom. XX., Cap. XXI,7.
6) Romani Pontificis in definiendo infallibilitas breviter demonstrata. Thursi Gonzales S.J. Parissi 1698.
7) Controversio de Romano Pontifice, lib. II. Cap. XXX.
8) Que l’on veuille bien comparer avec cela la bulle de
Paul IV : « Cum ex apostolatus officio » , § 1 : «
Devant la situation actuelle si grave et si dangereuse, il ne faut pas
que l’on puisse reprocher au pontife romain de dévier dans la foi. Il
est sur terre le Vicaire de Dieu et de Notre Seigneur Jésus-Christ ; il
a la plénitude de l’autorité sur les nations et les royaumes ; il est
le juge universel et n’a à être jugé par personne ici-bas. »
9) « Cum ex apostolatus officio », § 2: « Elles s’appliquent à tous
ceux qui, jusqu’ici, auront été pris sur le fait, auront avoué ou
auront été convaincus d’avoir dévié de la foi catholique ou d’être
tombés en quelque hérésie ou d’avoir encouru le schisme ou de l’avoir
suscité ou commis. Elles s’appliquent encore à ceux qui , à l’avenir, (
ce que Dieu dans sa miséricorde et sa bonté veuille leur épargner), ou
bien dévieront de la foi catholique, ou bien tomberont dans l’hérésie,
ou bien encourront le schisme ou qui auront avoué ou en seront
convaincus – nous voulons et décrétons qu’ils s’attirent tous les
jugements, censures et sanctions, quelque état, grade, rang,
fonction ou dignité excellente qu’ils occupent, même s’ils ont la
dignité épiscopale ou archiépsicopale ou la dignité de patriarches, de
primats, ou quelque autre dignité ecclésiastique majeure comme le
cardinalat ou s’ils sont légats du Saint Siège, en permanence ou
temporairement ».
10) P.L. 54,743 ss.
11) En faisant la comparaison avec la position d’Ecône nous pouvons
dire ceci : ils sont confrontés au problème du défaut d’autorité
papale, car ils refusent également nombre de décrets du concile Vatican
II et les réformes qui en sont issues. Mais ils les refusent pour des
motifs différents. Ils n’ont pas contesté qu’un pape hérétique a cessé
d’être pape, mais ils contestent que Jean Paul II ait délibérément
propagé des hérésies. Selon eux il ne serait que ‘libéral’ ou
‘moderniste’ et, de cette manière, il causerait du pré-judice à
l’Eglise. C’est pour cette raison qu’ils résistent à ses ordres. En
tenant cette position ’traditionaliste’ c’est-à-dire théologiquement
non fondée, ils se meuvent avec leur argumentation sur une base très
faible et fragile ce qui se manifeste par leurs négociations menées
avec Rome.
12) Nous, les sédévacantistes véritables, nous nous distinguons,
en plus de la constatation du siège vacant, par l’idée qu’il faut
travailler à l’occuper à nouveau.
13) e texte ci-dessus a été traduit en espagnol pour les journées
d’étude du groupe de catholiques fidèles fin août 2002 à Cid, Juarez/
Mexique.
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