Sermon de saint Augustin
Le lendemain, la foule des gens venus pour la fête apprit que Jésus se
rendait à Jérusalem. Ils prirent des rameaux de palmiers et sortirent à
sa rencontre en criant : Hosanna ! Béni soit celui qui vient
au nom du Seigneur ! Les rameaux de palmiers sont des louanges,
des emblèmes de victoire, car le Seigneur, en mourant, allait vaincre
la mort, et, par le trophée de la croix, allait triompher du démon,
prince de la mort.
Il y avait là quelques Grecs, de ceux qui montaient pour adorer durant
la fête. Ils abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde, en Galilée,
et lui firent cette requête : Seigneur, nous voudrions voir Jésus.
Philippe va le dire à André ; André et Philippe vont le dire à
Jésus. Écoute la réponse du Seigneur. Voici que les Juifs veulent le
tuer, tandis que des païens veulent le voir. Il y avait aussi avec eux
ceux des Juifs qui criaient : « Béni soit celui qui vient au
nom du Seigneur, le roi d’Israël ! » Ainsi les uns viennent du
peuple de la circoncision, les autres du peuple des incirconcis, comme
deux murailles qui ont un point de départ différent et se réunissent
par un baiser de paix dans la même foi au Christ. Écoutons la réponse
de la pierre angulaire : Jésus leur répondit : La voici ve-nue,
l’heure où le Fils de l’homme doit être glorifié... Jésus voyait que
les païens croiraient en lui après sa Passion et sa résurrection, car,
comme le dit l’Apôtre, une partie d’Israël s’est endurcie jusqu’à ce
que soit entrée la totalité des païens (Rom XI, 25). Ces païens qui
désiraient le voir sont donc pour lui une occasion d’annoncer la
conversion future des païens ; et il promet la venue prochaine de
sa glorification dans les Cieux, après laquelle toutes les nations
croiront en lui...
Mais cette élévation de la gloire a dû être précédée par les
humiliations de la Passion. Jésus ajoute : En vérité, en vérité,
je vous le dis, si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il
reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. C’est de
lui-même qu’il parlait. Il était ce grain qui devait mourir et se
multiplier, mourir par l’infidélité des Juifs, se multiplier par la foi
des païens.
Puis Jésus nous exhorte à suivre les exemples de sa passion : Qui
aime sa vie la perd. Voilà qui peut se comprendre de deux façons :
si tu aimes ta vie, perds-la ; si tu désires obtenir la vie qui
est dans le Christ, ne crains pas de mourir pour le Christ. Autre
façon : n’aime pas ta vie, de peur de la perdre ; n’aime pas ta
vie sur cette terre, de peur de la perdre dans la vie éternelle. Cette
dernière interprétation me semble plus conforme au texte de l’Évangile,
qui continue ainsi : Et qui hait sa vie en ce monde la conservera
en vie éternelle. Par conséquent, dans la phrase précédente :
« Qui aime sa vie », il faut sous-entendre : « en
ce monde », et celui qui la hait, en ce monde également, la
con-servera pour la vie éternelle. Grande et admirable pensée, qu’il y
ait dans l’homme un amour de sa vie qui la perd, une haine qui ne la
perd pas. Si tu aimes mal ta vie, tu la hais ; si ta haine est
sage, tu l’aimes. Heureux ceux qui haïssent leur vie en la conservant
pour ne pas la perdre en l’aimant...
Puis Jésus a adapté de nouveau les sentiments de son âme à notre
faiblesse : Maintenant mon âme est troublée, dit-il. D’où vient,
Seigneur, le trouble de votre âme ? Lui, notre tête, il nous a
pris, nous a transportés dans sa personne, il a accepté les impressions
de ses membres. Il n’est pas troublé par quelque chose, mais, comme il
est dit à propos de la résurrection de Lazare, il a été lui-même la
cause de son trouble. Car il fallait que l’unique médiateur entre Dieu
et les hommes, Jésus-Christ homme, de même qu’il nous a élevés à la
hauteur de sa divinité, partageât avec nous les humiliations de notre
nature. |