A propos de la situation actuelle de l’Eglise
- Interview donnée par M. Werner Olles -
Remarque préliminaire :
L’interview qui va suivre est publié à l’intention des lecteurs de
l’hebdomadaire politique « Junge Freiheit » (= jeune liberté) qui se
consacre, en plus de sa tache spécifiquement politique, à tirer
au clair les causes spirituelles-religieuses qui sont à l’origine de la
situation désastreuse dans laquelle nous nous trouvons depuis pas mal
de temps. La parution en avant-première dans notre périodique est
autorisée par la rédaction de la « Junge Freiheit ». Les développements
qui suivent s’adressent à tous ceux qui, ces derniers temps, nous ont
rejoint comme lecteurs. Nous espérons leur faciliter l’accès à la
position ecclésiastique que nous défendons, en expliquant certains
problèmes.
Eberhard Heller
***
Olles : Qu’est-ce que vous pensez de la situation de l’Eglise catholique en ce début du 21e siècle ?
Heller : En parlant de l’ « Eglise catholique » vous désignez sans
doute cette institution religieuse qui, suite aux réformes de Vatican
II, a subi une mutation en ce qu’on appelle « église conciliaire
» ; celle-ci, bien qu’en continuant d’utiliser le nom d’ « Eglise
catholique-romaine » a perdu son identité avec l’Eglise catholique
anté-conciliaire. Les réformes de Vatican II et l’évolution qui suivit,
dans l’esprit de ce concile, constitue de multiples façons une rupture
avec la tradition bi-millénaire de l’Eglise qui, du reste, est
camouflée par le maintien extérieur de ses apparences, de certaines
doc-trines et des structures hiérarchiques et juridiques de l’Eglise
d’autrefois.
Voici comment cette mutation de l’Eglise de Jésus-Christ en ‘église
conciliaire’ s’est opérée ; c’est par la falsification des rites
sacramentels ou le changement de leur interprétation, la négation de
certains dogmes, la corruption sémantique, la relativisation des lois
morales et l’abandon de l’Eglise de son droit d’être seule vraie comme
détentrice et gardienne des vérités du salut révélées par Dieu.
Jean Paul II se comprend comme le chef d’une de ces nombreuses
religions, égales en droit, avec lesquelles il adore « Dieu » ce qui
revient à nier la Trinité. D’ailleurs un auteur américain a dressé un
catalogue de 101 hérésies à l’actif de Jean Paul II !
Ces affirmations sont à coup sûr énormes ! Aussi faut-il les prouver. A
cette fin, je me permets de citer deux documents conciliaires et
l’appréciation d’un témoin sûrement non-suspect. Il est écrit dans «
Nostra Aetate » art. 3 : « L’Eglise regarde aussi avec estime les
musulmans qui adorent le Dieu Un, vivant et subsistant, miséricordieux
et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre qui a parlé aux
hommes ». Cette affirmation est précisée dans « Lumen Gentium » chap.
16 : « Mais le dessein de salut enveloppe également ceux qui
reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui
professent avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique.
Paul VI renonça, en 1970, au droit absolu de l’Eglise d’être la
seule vraie en déclarant ce qui suit : « il y a trois religions
qui reconnaissent toutes le vrai Dieu, qui participent à ce conflit
(c’est-à-dire le conflit du Moyen-Orient) : le peuple des Juifs, celui
de l’Islam et, au milieu, le peuple chrétien répandu dans le monde
entier. Elles proclament, à trois voix, l’unique monothéisme. Elles
parlent un langage éminemment authen-tique, digne, historique,
indestructible et convaincant ». Ce changement de mentalité est attesté
e. a. dans « Le Monde » du 25/01/2000 par le Professeur , le P. Claude
Geffre OP, doyen de la faculté de théologie du Saulchoir : « lors du
concile Vatican II l’Eglise catholique découvrit et accepta qu’elle ne
possède pas le monopole de la vérité, qu’il faut qu’elle se mette à
l’écoute du monde.(…) Les reli-gions qui s’opposent à ces exigences
légitimes sont acculées à se réformer ou à disparaître ». Par contre,
le Christ dit : « Personne ne vient au Père sinon par moi (Jn,
14,6) ; car « celui qui n’a pas le Fils, n’a pas le Père non plus ». (1
Jn 2,23). On le voit bien, il n’y a pas place pour la « tolérance » !
Il n’est donc pas possible qu’un pape ou le magistère de l’Eglise
suppriment les positions fixées en se réclamant de la révélation divine
de la vérité et qui étaient en vigueur jusqu’il y a peu ; il n’est pas
possible qu’elles soient changées en leur contraire, qu’on les falsifie
sans supprimer la vérité divine comme référence absolue et sans
renoncer à être la plénipotentiaire institution de la vérité. Ce
qui était en vigueur dans l’Eglise hier, le sera aujourd’hui et demain.
Si les changements après Vatican II ont été introduits, presque sans
faire de bruit, citons, pour éclairer comme par un projecteur, un seul
exemple qui marque déjà un point d’aboutissement de la décadence morale
: il s’agit de l’approbation générale de l’avortement dans laquelle
‘l’église conciliaire’ en Allemagne était impliquée jusqu’il y a peu.
L’épiscopat entretenait des centres de consultations où les femmes
enceintes, en situation de détresse, pouvaient s’adresser, et à défaut
de solution, recevoir une attestation qui ne donnait rien moins
que le droit de recourir à l’avortement ; c’est ce que certains ont
qualifié de « licence pour pratiquer un assassinat ».
Pour être juste il faut dire, que il y en eut beaucoup qui ne sont pas
rendu compte de la nouvelle orientation officielle de la
hiérarchie. En général, le peuple chrétien est encore toujours
d’avis que ‘l’église conciliaire’ est l’Eglise de Jésus-Christ ;
d’autant plus que les réformes qui falsifient les données de la Foi
dépassent la compréhension théologique des simples fidèles, et que
l’imposture par la corruption sémantique vint s’y ajouter. La jeune
génération qui n’a plus connu la foi traditionnelle ni la liturgie
ancienne, cette imposture n’a pas été perçue, puisque les réformes ont
acquis entre-temps leur propre tradition. Pour eux ‘l’église
conciliaire’ est restée l’Eglise catholique et continue à l’être.
Il faut dire aussi qu’ils n’ont pas connu autre chose à cause de la
défaillance des conservateurs restés fidèles à la doctrine. Parmi les
simples fidèles il y en a à peine un qui connaisse les différences
théologiques et dogmatiques entre la (vraie) doctrine catholique et les
croyances protestantes. Les aînés parmi les fidèles se sont accoutumés
aux réformes liturgiques, mais souvent ils continuent d’y joindre le
savoir des enseignements d’autrefois. La messe ou « la messe » est
célébrée en langue du pays et l’on s’aperçoit à peine que ces ‘messes’
sont invalides à cause de certaines falsifications qu’on y a
introduites Et même cette ‘église’ a pu maintenir partiellement sa
fonction stabilisatrice au point de vue social p. e. dans beaucoup de
paroisses rurales.
Actuellement vous pouvez trouver dans ’l’église conciliaire’, en marge,
des révolutionnaires avec un programme bien arrêté – j’y range Jean
Paul II-. Le journaliste italien Messori, un insider, le confirme ;
l’éventail s’ouvre jusqu’aux clercs et laïcs ayant gardé un attachement
émotionnel au catholicisme. Afin de vous donner par un exemple parlant
une idée des divisions internes au sein de la hiérarchie ‘conciliaire’
je vous renvoie à une déclaration faite par le cardinal Kasper à propos
du document Dominus Jesus , probablement de la rédaction du cardinal
Ratzinger à en juger d’après le style, et qui, en bonne partie, est
catholique. Or, Kasper, à peine élevé au cardinalat, critique ce
document comme un document « qui fait mal » etc. parce, d’après lui, il
exige (!) une obligation dans la foi. Or, ce document provient
précisément de cette institution à laquelle il doit son cardinalat.
Mise à part la trahison au plan théologique difficile à déceler, les
fruits des réformes ne sont non seulement visibles, amis aussi
mesurables : la désertion massive des églises, la régression dramatique
des vocations sacerdotales et religieuses, l’extinction de l’activité
missionnaire, le mutisme de l’Eglise comme autorité morale.
En résumé nous pouvons dire : l’Eglise catholique romaine, tel qu’elle
était autrefois avec sa fonction d’institution de salut a pour une
large part cessé d’exister. Ceux qui ont vu que ces réformes sont
révolutionnaires, ne vivent pas dans la clandestinité, il est vrai,
mais dans la « dispersion », dans une diaspora d’un type nouveau. Ainsi
le cardinal Scheffczyk, prof. ém. de dogme à l’université de Munich qui
parle de ‘l’autodestruction de l’Eglise’ certifie à l’endroit de ces
fidèles : « Il faut être réaliste et concéder avec un sentiment de
sympathie qu’actuellement beaucoup de chrétiens se sentent perdus,
perplexes et même déçus. » (« Theologisches », juillet 02)
Olles : Qui étaient les principaux ennemis de l’Eglise anté-conciliaire , anti-moderniste?
Heller : Depuis la Révolution Française l’Eglise a été refoulée de plus
en plus de la vie publique dans la sphère privée des gens : la
religion c’est une affaire privée ! Or, peu de temps avant cela
l’Eglise subit le despotisme par le Joséphinisme. De plus, le processus
de la déchristianisation a été favorisé par l’influence du rationalisme
(Aufklärung) et de la sécularisation. La franc-maçonnerie d’autre part,
avait comme objectif, par son « combat contre le trône et l’autel », de
subvertir l’Eglise. Il est intéressant de découvrir dans plusieurs
décrets conciliaires des idées révolutionnaires qui avaient été
formulées précédemment par les illuminés. La hiérarchie
post-conciliaire a accueilli promptement et avec soumission la requête
du judaïsme (B’nai B’rith) d’éliminer de la liturgie les éléments
soi-disant antisémites.
Aux influences extérieures il faut ajouter que chez beaucoup de
théologiens s’installait un complexe d’infériorité, car depuis la fin
du 19e siècle il se sentaient exclus de l’évolution scientifique. C’est
la raison pour laquelle, après le concile, ils étaient plus disposés
encore à se ruer littéralement sur les théories modernes. Mais ce qui a
été décisif pour la situation actuelle à échelle mondiale c’est « la
révolution par en haut ».
Olles : Quelle sont les effectifs de la Tradition à échelle mondiale ?
Heller : Lorsque, après le concile Vatican II, on s’aperçut que les
documents promulgués n’avaient pas seulement un caractère réformateur,
mais qu’ils touchaient également le dogme catholique, qu’ils
atteignaient par conséquent très gravement la réforme liturgique, il y
eut en un premier temps beaucoup de personnes qui combattaient ces
réformes. La promulgation du soi-disant N.O.M. de Paul VI était suivie
rapidement du « Bref examen critique de N.O.M. » signé par les
cardinaux Ottaviani et Bacci, dans lequel des défauts théologiques
graves du nouveau rite étaient mis en évidence.
Dans ce contexte il est éclairant de noter ce que le cardinal Ratzinger
a écrit à propos de la réforme liturgique ; selon lui celle-ci n’était
pas une « reviviscence », mais une «dévastation » : « Je suis
convaincu, écrit-il, que la crise de l’Eglise dans laquelle nous vivons
actuellement, provient pour une large part de l’effondrement de la
liturgie. » (Ma vie, Mémoires 1927-1997 », Rome 1997).
Même l’église grecque-orthodoxe et des théologiens protestants connus
levaient leurs voix pour mettre en garde contre l’introduction du Novus
Ordo. Des groupes de résistance se formèrent à échelle mondiale
pour réclamer le maintien de l’ancienne messe et le latin comme langue
de l’Eglise. Il y avait des clercs comme des laïcs, des personnes
publiques de même que des scientifiques, des journalistes, des
théologiens de renom, amis aussi des fidèles engagés. La fédération
internationale d’ « Una Voce » se donna des structures
juridiques. Le groupe « Freundeskreis der Una Voce » fut fondé en 1966
à Munich. C’est moi qui en assure actuellement la
présidence.
Mgr Lefebvre fonda en Suisse son séminaire international qui vit
affluer beaucoup de séminaristes. De nombreux périodiques, paraissant
dans les principales langues, furent publiés. Le groupe « Freundeskreis
der Una voce » à Munich édita le périodique théologique EINSICHT dès
1971.
Une scission se dessina à l’horizon parce que chez les chrétiens
traditionnels les décrets de réforme reçurent des appréciations
théologiques diverses ; les analyses du Novus Ordo Missae en formèrent
le foyer. Alors que les uns ne virent que des défauts
liturgiques dans cet ordo les autres firent la découverte qu’il
contient des falsifications dogmatiques graves entraînant non seulement
l’invalidité des messes célébrées en ce rite, mais qu’il mit en
question la légitimité de la fonction de Paul VI, son promulgateur.
Cette position portant plus loin que les constations immédiates ne fut
pas adoptée par la plupart des chrétiens attachés à la Tradition . Il
s’en suivit une division en traditionalistes-ils forment d’une certaine
manière une secte orthodoxe au sein de l’église conciliaire en menant
une querelle de rites ; à ce jour cette querelle est restée sans
solution ; et les sédévacantistes. Font partie de ce groupe les fidèles
qui estiment que le Siège romain est vacant. Cette division dure encore
toujours. La figure symbolique des traditionalistes, leur figure de
proue, fut Mgr. Lefebvre pendant assez longtemps. Tandis que Mgr
Ngô-dinh-Thuc, ancien archevêque de Hué/Vietnam, frère de l’ancien
président catholique Ngô-dinh-Diem du Vietnam que les Américains ont
fait assassiner avec l’approbation du Vatican- était suivi par les
sédévacantistes. C’est par sa déclaration publique de la vacance
du saint Siège, en date du 23/02/1982 à Munich, que Mgr Ngô-dinh-Thuc
fournit pour ce groupe le fondement théologique décisif.
Si vous m’interrogez au sujet des effectifs de ces deux groupes, je
puis vous répondre et dire que les simples traditionalistes autour de
Mgr Lefebvre comptent un nombre impressionnant d’adhérents, mais que du
point de vue de l’argumentation lors de discussions, ils sont faibles.
D’autre part les sédévacantistes sont en mesure de présenter des
arguments percutants, mais, à échelle mondiale, ils sont une minorité.
Ce groupe a sa représentation la plus forte au Mexique.
Sociologiquement parlant ces deux groupes jouent un rôle plutôt
insignifiant. Puisque la direction unitaire fait défaut dans le domaine
pastoral, nous n’avons pu obtenir jusqu’ présent une efficacité dans le
domaine de la restauration de l’Eglise comme institution de salut.
Olles : Quelle peut être la dimension de la dévastation de l’apostolicité suite au syncrétisme ?
Heller : L’apostolicité veut dire que l’Eglise est fondée sur les
apôtres appelés par le Christ à sa suite ; cela veut dire aussi d’une
part la doctrine continue et identique et d’autre part la succession
apostolique de la hiérarchie c’est-à-dire la transmission ininterrompue
des pouvoirs pour sacrer des évêques et ordonner des prêtres afin de
garantir l’existence de l’Eglise comme institution du salut.
D’une part la succession apostolique est en péril parce que les
nouveaux rites des ordres sacrés, invalides ou au moins douteux,
ont été introduits et que les pouvoirs épiscopaux et sacerdotaux
ces-seront ainsi d’exister. D’autre part :l’apostolicité est supprimée
par le fait que Rome renonce aux pouvoirs et aux dogmes transmis
aux apôtres ; citons comme exemple le dogme hors de l’Eglise
point de salut. Cela veut dire que l’église conciliaire ne revendique
plus par rapport aux autres con-fessions chrétiennes d’être la seule
vraie Eglise ; en fait, elle les reconnaît comme égales en droit, mieux
que cela, elle assure que l’Islam, le Judaïsme et les autres religions
mondiales sont des moyens légitimes par les quelles on peut faire son
salut. Par conséquent, l’église conciliaire elle-même renon-ce au titre
d’être la vraie institution chrétienne nécessaire au salut. Le ‘pape’
d’une telle institution se range, aux fins d’une coexistence
pacifique, dans la phalange des dignitaires de droits égaux des
autres religions. En même temps ce syncrétisme signifie qu’on abandonne
toute activité missionnaire réelle. Mais, même les gestes partiellement
scandaleux et syncrétistes de la part du chef par arroga-tion de
l’Eglise catholique – rappelons que Jean Paul II embrassa le Coran par
exemple! - et les rencontres inter-religieuses n’empêchent que
les autres religions ne respectent nullement l’idée de la coexistence
pacifique. Au Soudan on continue à tuer des chrétiens, même en Turquie
ils subissent la persécution et la discrimination. Imaginons saint
Pierre se prêtant à des négociations avec les empe-reurs romains au
sujet de programmes « de la bonne volonté de tous les hommes », tandis
que de-vant la porte, dans l’arène, ce même empereur- « n’étant
probablement pas de bonne volonté » - jette des chrétiens aux
pieds des fauves pour qu’ils les dévorent. Quel cynisme !
Olles : Est-ce que la nouvelle église, en affamant les chrétiens
spirituellement, a donné lieu à des conséquences comme
l’œcuménisme ?
Heller : Ce concept est un de ceux qui ont été soumis à un changement
de sens par la corruption sémantique appliquée par les modernistes.
Initialement on désignait par là l’assemblée d’églises particulières.
C’est pourquoi on parlait d’un concile œcuménique . De nos jours l’on
désigne par là les objectifs qui visent à unifier les différentes
confessions chrétiennes. Contrairement aux efforts faits avant le
concile, de faire cesser le scandale des divisions en cherchant des
solutions aux problèmes de l’heure – je pense e. a. aux
tentatives malheureusement échouées de refaire l’unité avec les
orthodoxes sous Pie XI – on fait avancer les choses en évitant les
vérités catholiques c’est-à-dire l’unité a priorité sur la vérité
révélée. L’ « œcuménisme» ainsi compris est bien l’objectif que les
propagateurs des réformes veulent atteindre. Reportez-vous à la
déclaration commune à propos de la doctrine sur la justification, qui
envisage d’arriver à « un consensus nuancé ». L’évêque Karl Lehmann,
élevé récemment au cardinalat (par l’église conciliaire’) s’est permis
de qualifier comme « docteur de l’Eglise » Martin Luther, sans être
inquiété le moins du monde par les autorités conciliaires, alors que
Luther est condamné comme hérétique par l’Eglise. Dans mes relations il
y a des personnes qui ont déserté ‘l’église conciliaire ‘ à cause de
son indifférentisme théologique, pour rejoindre l’église orthodoxe.
S’il est un fait que de simples fidèles réclament encore plus
d’œcuménisme, c’est parce qu’ils ne comprennent plus pourquoi des
confessions ayant presque la même foi doivent continuer d’exister côte
à côte comme organisations ecclésiales différentes. L’abandon des
vérités sanctionnées par des dogmes a généré une mentalité arbitraire
eu égard au contenu doctrinal, donnant lieu à un christianisme
qu’on pourrait comparer à un ‘patchwork’ où chacun bricole sa
propre « théologie », à sa façon.
Olles : Entre-temps la stigmatisation des catholiques fidèles par les
modernistes a pris des caractéristiques de persécution. Est-ce que vous
vous retrouverez bientôt dans le compte-rendu du bulletin de la
constitution de l’Etat?
Heller : Nous ne sommes pas persécutés directement, même si l’on
nous diffame comme étant des intransigeants, des fondamentalistes
; pour cela l’église conciliaire manque de moyens ; politique-ment il
n’ y a pas de raison pour cela. Car, nous voulons continuer ce que
l’Eglise a fait jusqu’au concile. Certainement, les prêtres qui
s’opposent à l’église conciliaire subissent des préjudices. Peut-être
M. Fridmann, le président, faisant fonction, du Conseil central des
Juifs en Allemagne (maintenu à son poste en dépit des reproches qu’on
lui a faits) aura un jour l’idée de nous accuser ‘d’anti-sémitisme’
parce que nous maintenons la liturgie traditionnelle du Vendredi-Saint.
Mais, il ne le fera pas, je crois.
Olles : La nouvelle messe, le libéralisme religieux, les droits de
l’homme contre l’autorité de Dieu. Quelles vérités fondamentales
pouvez-vous y opposer?
Heller : Nous devons tenir que la vérité absolue existe, qu’elle a pris
chair dans le Christ et qu’il n’y qu’une religion vraie. Dès lors il
nous reste à adopter la conviction que Lui, l’Homme-Dieu, dans sa
condescendance, s’est abaissé jusqu’à la misère humaine afin de nous
donner son amour et sa miséricorde ; par sa mort sacrificielle il a
offert à l’homme déchu la possibilité de se réconcilier avec Dieu, que,
par le saint sacrifice de la messe, il offre aux hommes, sans
discontinuer, d’entrer dans ce mouvement de réconciliation; par
Lui ils entreront dans la nouvelle Alliance qui est la garantie de la
réconciliation et de la paix parmi les hommes.
Olles : Que peut-on conseiller aux fidèles qui voudraient rester fidèles à la tradition apostolique et ecclésiastique ?
Heller : Ils devront s’efforcer d’abord d’être forts dans la foi et
d’approfondir leurs connaissances de la doctrine catholique. Il y a
beaucoup de fidèles catholiques qui ont perdu pied, parce qu’ils
avaient reçu leur foi par éducation c’est-à-dire par tradition. Comme
le monde actuel prône beaucoup de conceptions religieuses erronées et
de fausses doctrines de salut il faut s’interroger comment l’on peut
savoir aujourd’hui que le Christ est vrai Fils de Dieu, en qui nous
croyons pour de justes raisons. M. Gliwitzky, premier président de
notre association a dit un jour : « Le fait de s’être habitué depuis
longtemps à renoncer à l’intelligence de la foi, est une des racines
les plus profondes de la crise que nous vivons. D’où tous nos efforts
doivent se porter à distinguer, en tenant compte de certains signes,
quand nous avons simplement une opinion ou quand nous avons un désir,
quand nous espérons, quand nous croyons et quand nous savons quelque
chose en vérité ». Sans une conviction ferme eu égard aux vérités
élémentaires de la foi nous sommes livrés de nos jours à un relativisme
raffiné.
L’intégration dans l’Eglise fait problème à cause du fait qu’une
organisation stable de ce qui reste de l’Eglise catholique dans les
régions germanophones n’existe pas ou n’existe pas encore . Mais je
suis prêt à donner des informations adéquates aux chrétiens qui le
demanderont.
Olles : Pensez-vous qu’après que la foi et la liturgie ont été bradées par Vatican II l’Eglise pourra être restituée ?
Heller : Cela fait un certain temps que nous travaillons à mettre au
point un plan pour la réédification de l’Eglise comme institution de
salut. Mais cela a donné lieu à des problèmes de théologie et
d’organisation. Car, il n’y a jamais eu, dans l’histoire de l’Eglise,
une situation comparable à celle que nous vivons actuellement.
Surmonter cette crise signifie s’engager sur un territoire inconnu du
point de vue théologique, juridique et pratique. Cela exige de nous des
efforts qui dépassent de soi nos forces. Il ne suffirait pas p. ex. que
Jean Paul II ou les évêques opèrent simplement un retour afin d’amender
après-demain les décisions prises jusqu’ici et d’arrêter les
déviations. Si un dignitaire hiérarchique est tombé dans l’hérésie, il
perd son office et demeure inapte à l’occuper de nouveau, à supposer
qu’il se convertisse (voir la bulle « Cum ex apostolatus officio » de
Paul IV). Cela veut dire que la réédification de l’Eglise ne pourrait
se faire par ceux qui sont restés fidèles à la foi. Mais, faute d’une
direction unique dans le domaine de la pastorale nous n’avons pas
atteint jusqu’à présent une efficacité notable pour la réédification de
l’Eglise comme institution de salut.
Olles : Croyez-vous que l’Allemagne et l’Occident pourraient ressusciter spirituellement ou sommes-nous déjà perdus ?
Heller : Cela fait plus de 25 ans qu’on me sert des révélations
privées, vraies ou fausses, dans lesquelles on annonce un essor de la
vie religieuse spirituelle chaque fois que des catastrophes et des
conflits ont eu lieu. Je ne peux pas m’y fier. Moi, je vois ce qui est
et la manière dont certaines choses évoluent. Il est un fait que
l’Occident, et l’Allemagne avec lui, ont été façonnés par le
christianisme. Même si les sociétés ne veulent pas reconnaître cette
réalité, il est un fait aussi que le désastre spirituel universel ne
fait qu’apporter la preuve de l’apostasie et la trahison de l’ordre
social chrétien. L’on peut par exemple montrer clairement la morbidité
morale des Allemands dans la question de l’avortement : il y eut plus
de 60% des soi-disant catholiques qui étaient pour la législation
actuelle du § 218. Chaque année il y a environ 300 000 enfants qui
meurent par l’avortement. Or, un peuple qui tue ses enfants mourra.
L’apostasie de la foi produit aussi ses effets dans le domaine
politique et social. Tout mouvement politique conservateur ou tout
parti qui s’appuie idéologiquement sur les principes révolutionnaires
de ‘l’église conciliaire’, est voué forcément à l’échec parce que c’est
la puissance des concepts idéologiques qui l’emportent. Pensez à
l’œcuménisme ou au syncrétisme. Ces idées qui furent au fond formulées
au sein de l’Eglise, trouvent en fait leur correspondant dans la
conception multi-culturelle de la politique. Nous avons pu observer des
années durant, comme témoins contemporains, ses effets dans les
Balkans. A défaut d’un renouveau de la Foi il n’y aura pas de
réédification de l’Eglise ni une restauration de la société. Jusqu’à
présent je n’en vois pas encore de signe.
Olles : Il est dit dans la bible : « … et vous connaîtrez la vérité et
la vérité vous rendra libres ». Est-ce que nous sommes encore à même de
supporter la vérité ?
Heller : Nous pouvons supporter la vérité révélée si nous sommes prêts
à la servir humblement, alors elle nous rendra libres parce que
nous avons la volonté de mener notre vie dans l’amour du Christ , et
par lui. Mais que signifie cette humilité. C’est avouer qu’on a besoin
du secours d’autrui, dans le cas qui nous occupe, que nous avons besoin
de l’action rédemptrice du Christ et que nous sommes prêts à accepter
ce secours. Essayez donc de faire comprendre cela à ceux qui se
produisent en toute complaisance d’eux-mêmes, le faire comprendre à la
société de plaisirs actuelle !
Olles : Quelles démarches concrètes avez-vous faites afin d’être reconnu comme une institution juridique légale ?
Heller : Cette question a été débattue. Concrètement il s’agit de
savoir s’il est possible de réunir dans une société de droit public ou
dans une fédération d’associations celles qui sont inscrites au
registre de l’Etat et qui ont été, par endroits, mises sur pied dès
1976, suite à l’interdiction officielle de l’ancienne messe. Alors il
faudrait se mettre d’accord pour décider quel nom on lui donnerait.
(trad. abbé Paul Schoonbroodt) |