LES PRISES D'ARNAUD LE DOUANIER
par Arnaud Lecumberry
Il faut que je sorte du poste pour tomber sur le frère Genièvre O.F.M. (brother Juniper) qui, innocemment, passe un sac de poudre blanche que lui a confié Arfel (alias Madiran), en lui disant: "C'est du talc; cela aide à garder une bonne prise sur les leviers catholiques."!
Ce bon frère écrit en effet dans "Le Séraphin" de sept. 83 (The Seraph Rochester, N.Y. USA): "Un pape peut-il devenir hérétique? Nous répondons: oui!" Oui, Arfel trouve facilement des passeurs, comme il désigne, sans vergogne, des papes, qui, selon lui, ont succombé à l'hérésie de leur temps. La drogue est alors colportée comme simple poudre hygiénique, alors qu'elle procure un paradis artificiel qui est l'anti-chambre de l'Enfer.
Arfel accuse les papes Libère et Honorius I d'avoir failli dans leur mission et été infidèles à la vraie foi. Il oublie seulement de dire que Libère a combattu l'arianisme que l'empereur voulait imposer à l'Église; qu'il a été, par représaille, déporté en Illyrie; que, cédant a certaines pressions, il a, un jour signé un texte équivoque. C'est là sa seule faute, que l'histoire lui reproche. Il n'a jamais été arien, ou complice de l'arianisme. L'Église ne l'a effectivement pas dénoncé comme hérétique, pas plus qu'elle ne l'a fait pour Honorius. Lors du seul concile catholique du Vatican, les pères qui s'opposaient au dogme de l'infaillibilité des successeurs de Pierre, ont cru trouver dans le cas de ce pape vilipendé un argument décisif. Or, le concile a soigneusement examiné ce cas. Pas plus que les dix papes qui ont précédé ou suivi immédiatement Honorius il ne l'a jugé hérétique. En effet l'opinion de Saint Grégoire le Grand dont il fut un disciple bien-aimé, ou de Martin I, qui fut déporté par les hérétiques tout puissants, grâce à l'appui impérial, est d'un poids décisif. Elle compte plus que les allégations des grecs qui avaient eux, effectivement, pris parti pour l'empereur de Constantinople, et favorisé l'hérésie des monothélites. (C'est le terme simplifié qui désigne les descendants des monophysites condamnés par le concile de Chalcédoine: ceux-ci ne reconnaissaient qu'une seule nature en N.S. J. C., ceux-là continuaient dans la même voie en prétendant qu'il n'y avait en Jésus qu'une volonté, la volonté de Dieu.). C'est à bon droit que le concile a préféré le jugement des catholiques romains contemporains d'Honorius aux manoeuvres déloyales des orientaux, en particulier du patriarche Serg de Constantinople qui, en envoyant un rapport tendancieux au pape, l'avait convaincu que c'était Sophronius l'evêque de Jérusalem qui semait le trouble en utilisant des vocables innovés, tels que "une seule énergie". En réalité c'est Sophronius qui avait énergiquement refusé tout compromis, tel que celui de Serge sur "l'énergie", qu'il avait passé avec les monothélites. De toute façon disons avec Saint Augustin: "Locuta est Roma, causa finita"(Rome a parlé, la cause est entendue).
Deja en 519 Saint Hormidas pouvait écrire: "La religion catholique est toujours demeurée inviolable dans le Siège Apostolique ... Ce charisme de vérité et de foi à jamais indéfectible a été accordé par Dieu à Pierre et à ses successeurs pour que l'Église tienne ferme contre les portes de l'enfer."
Mais nos bons esprits, type Arfel, se rabattent aussitôt sur une dichotomie spécieuse: le pape peut très bien tomber dans l'erreur à titre personnel. Nous avons alors un hérétique, qui, en public est d'une orthodoxie parfaite, et qui réserve ses propos erronés a son entourage, sans que jamais l'Église n'en soit contaminée ou informée. Voilà une belle subtilité du genre: le pape est bien materialiter l'élu de l'Église, mais spiritualiter, donc formaliter le Saint Siège est vacant. Pour condamner un hérétique, qui le serait uniquement en privé, alors que ses définitions solennelles, ses bulles et encycliques, son magistère ordinaire tout entier seraient impeccables, il faudrait juger la taupe au for interne. Autrement dit, ce trafiquant clandestin passerait toujours du talc et laisserait l'héroïne à la maison. Toute la domesticité en profiterait pour se droguer, sans que personne en sache jamais rien. La police ne serait jamais alertée, ne procéderait à aucune fouille au domicile du marchand de paradis artificiels. Voilà des arguties propres à faire croire que tout voyageur est un amateur de cocaïne, que tout innocent est coupable en pensées.
En vérité le frère Genièvre colporte une poudre bien dangereuse, bien que blanche. Il ne sait pas qu'il est passeur de mensonge et d'hérésie. Espérons qu'ayant été averti il renoncera à rester dans le camp des trafiquants. En vérité habillé d'une soutane blanche ou d'un pallium rouge, un hérétique reste la même personne que lorsqu'il est dans son cabinet particulier, en pyjama. Le Christ ne peut avoir prié pour que sa foi ne défaille pas, s'il se contente d'afficher une conviction qu'il n'a pas.
Concluons en refusant de croire ce que Marcel Lefèbvre et ses alliés veulent nous faire avaler en fin de coupe, avec la lie. Le fait de siéger au Vatican ne peut transformer un hypocrite en porte-parole de la Vérité. Nous refusons l'idée d'un pape hérétique. L'onction sacramentelle ne peut davantage transformer un franc-maçon en apôtre de N.S. J.C..! Répétons-le bien haut, en espérant que ce ne sera pas au grand dam de frère Genièvre: Un vicaire de l'Homme-Dieu n'est jamais tombé et ne tombera jamais dans l'hérésie . Les contra-dicteurs ont déjà choisi leur Seigneur et Maître.
Moi, Arnaud le douanier, je déclare qu'il est triste d'interpeller des complices innocents des passeurs professionnels. J'espère qu'ainsi je les débarrasserai de leur marchandise frauduleuse avant qu'ils ne se présentent aux douanes célestes. C'est ma seule consolation quand je fais une prise. |