LE CAS DU PAPE HONORIUS (625-638)
par Eugène Golla Traduction d'André Perlant
Cette étude a été menée dans un seul but: celui de rester dans la plus grande objectivité possible. Elle ne vise ni à la mise en accusation, ni à la défense de l'Eglise des premiers temps. Il serait en conséquence absurde de considérer la présentation des erreurs de ce pape et de ses défenseurs comme example propre à disculper les pseudo-papes qui régnent depuis Pie XII.
C'est 21 ans après la mort de Grégoire-le-Grand qu'Honorius fut élu pape. Les renseignements que nous avons pu recueillir sur sa personne sont aussi brefs que ceux dont nous disposons sur la plupart des occupants successifs de la Chaire de Pierre durant le premier millénaire. Il en ressort qu'il était le fils d'un notable ayant titre de "consul", qu'il eut Grégoire le G. pour maître et que, devenu pape le disciple garda son maître comme modèle.
C'est pourquoi il poursuivit la grande tache, entreprise par son prédécesseur, celle de convertir les Lombards ariens qui s'étaient installés dans le nord de l'Italie. Il continua aussi à envoyer des missionnaires évangéliser les anglo-saxons. A cette époque l'Empire Byzantin ne parvenait plus à administrer effectivement une Italie rétive, et particulièrement Rome. Tout comme G. le G., Honorius fut contraint d'assumer une partie des taches incombant au pouvoir laïque. La stabilité ainsi assurée du Patrimonium Pétri apporta à la population des fruits abondants: Honorius fit procéder à la réfection des aqueducs détruits par les Goths. Il est aussi passé à la postérité par la restauration de l'église de Sainte-Agnès-hors-les-murs, qu'il fit rebâtir sur le tombeau de la Sainte. La mosaïque de la coupole surmontant l'abside représente en effet sur fond d'or Sainte Agnès entre les papes Honorius et Symmaque.
Cependant ce pontificat est obscurci par une ombre: parce qu'il a été condamné comme hérétique par un concile, Honorius 1er est l'un des papes les plus controversés. Il a davantage nui au Siège de Pierre que d'autres occupants par leur scandaleuse conduite privée.
Le 4e concile de Chalcédoine convoqué par Saint Léon le Grand a donné à la christologie - ou étude de la personnalité du Christ - sa doctrine dans sa formulation définitive: "En Jésus Christ il y a deux natures, la divine et l'humaine, distinctes et sans mélange dans l'union hypostatique en une seule personne." Ainsi se trouve condamné le monophysisme, doctrine qui nie la distinction de la divinité et de l'humanité en la personne du Rédempteur, car elle soutient que le Verbe n'a assumé la forme humaine que pour se manifester. Malgré la proclamation du dogme, cette conception condamnée conserva de nombreux partisans, surtout en Syrie et en Egypte, où des moines, principalement purent la répandre sous des formes batârdes.
L'Empire Byzantin s'affaiblissait de plus en plus. De nombreux ennemis le menaçaient à ses frontières qui s'étendaient de Rome à l'Euphrate, et des Balkans à l'Egypte. Il n'est donc pas étonnant que ces conceptions qui ne s'accordaient pas avec la religion impériale fussent cependant tolérées, bien que l'empereur de Constantinople fût le "protecteur" du catholicisme et présidât aux conciles. Rappelons-nous l'arianisme et comprenons qu'en Orient les controverses dogmatiques devenaient souvent le détonateur d'explosions mettant en péril le pouvoir politique.
"L'empereur et le patriarche de la capitale ne cessèrent donc pas de rechercher une entente avec les courants monophysites afin d'étayer la loyauté des populations par le sentiment qu'elles avaient de professer la même religion. Malgré une grande fidélité à la doctrine de Chalcédoine, si l'on insistait plus que ne l'avait fait le concile sur l'unité de l'Homme-Dieu, on s'exposait au danger de faire pâlir la vie de Jésus-homme devant l'éclat de sa divinité." (1)
Quelques années déjà avant qu'Honorius ne fût intrônisé, le syrien Serge, patriarche de Constantinople avait conseillé à l'empereur Héraclius de se rapprocher des monophysites en proposant une formulation qui affirme, comme cela fut proclamé à Chalcédoine, qu'il y a en Jésus deux natures, mais précise qu'elles s'expriment par une seule activité humano-divine, une seule "énergie". On nommait ainsi l'exercice du vouloir, ou volonté en acte, pour la distinguer de la faculté immanente, ou volonté en puissance.
Or "concurremment au vouloir divin de Jésus, il faut reconnaître en Lui sa volonté d'homme, car seul ce vouloir humain pouvait réaliser la Rédemption qu'Il venait nous offrir, seul il pouvait être méritoire et satisfaire pour nous Dieu-le-Père par la pratique des vertus, de l'obéissance, de l'humilité, de la douceur. C'est justement ce vouloir humain que le Sauveur luimême distingue explicitement de la volonté de Dieu, lorsqu'Il adresse au Père cette prière: 'Père que votre volonté soit faite, et non la mienne!' Or la volonté trinitaire est la même dans le Père que dans le Fils. Le Seigneur distingue ici si nettement la sienne de celle-ci, qu'II semble même la mettre en opposition au vouloir trinitaire. Mais cet antagonisme n'est pas nécessairement une conséquence absolue du libre-arbitre. La volonté qui recule devant la souffrance, c'est d'abord la volonté de la nature pécheresse, qui, en tant que pécheresse n'est pas libre. Nous devons, pourtant, reconnaître en Jésus l'existence de cette catégorie volitive, car elle appartient à l'essence humaine." (2)
Grâce à 1'édulcoration proposée du dogme de Chalcédoine fut effectivement atteinte une certaine union avec les monophysites. Mais le moine palestinien Sophronius combattit cette formulation de compromis, qui lui semblait préluder à l'abandon de la Vraie Foi. Bien qu'il ne pût faire état de passages dans les pères de l'Eglise où fut mentionné le double mode de décision du Christ, il persuada Serge de la nécessité d'abandonner désormais le terme "énergie". Serge se retourna alors vers Rome pour assurer ses arrières par le soutien éventuel du pape Honorius en faveur de son formulaire. Pour ce faire il renonça à l'expression "une seule énergie"; mais il fit valoir en même temps que parler de deux catégories de volition en Jésus (ou de deux espèces d'énergie), exigeait l'adoption de la thèse des deux volontés, ce qui, immanquablement attiserait la polémique et le courroux.
Dans sa réponse, Honorius décrivit Sophronius comme fomentateur de disputes et de querelles autour de vocables nouveaux, et loua Serge d'avoir mis au rancart l'expression innovée: elle pouvait d'autant plus scandaliser les fidèles du rang qu'elle n'apparaissait nulle part dans les Saintes Ecritures. Il déclarait ensuite: "Nous reconnaissons une seule volonté en N.S.J.C., puique, manifestement, Dieu a assumé notre nature, mais non pas ses péchés, c'est à dire notre nature telle qu'elle existait avant le péché (originel). C'est pourquoi, lorsque la Ste Ecriture parle d'un vouloir humain et d'un vouloir divin du Christ, par ex.: "Mon jugement est juste, parceque je ne cherche pas à faire ma volonté, mais celle de celui qui m'a envoyé" (Jean, 5,30), il ne s'agit pas de deux vouloirs différents, mais d'une manière de parler du Christ qui nous invite par là à l'imiter (c.à d. à faire peu de cas de notre volonté propre.)
La deuxième lettre d'Honorius, dont nous ne possédons que des fragments, contient à nouveau l'interdiction de recourir à la notion d'énergie, fûtelle simple ou double.
Le rédacteur de la première lettre est vraisemblablement Jean, abbé d'un monastère grec de Rome. Lorsqu'il transcrit des expressions énoncées par le pape, le secrétaire suit-il jusqu'à un certain point sa propre démarche intellectuelle? Il est impossible de dire jusqu'où il a pu laisser s'enclencher ce processus. Toutefois c'est Honorius seul qui, par sa signature au bas de la lettre a endossé la responsabilité de tout son contenu. Cela n'infirme en rien la thèse de maint auteur qui estime que le romain Honorius n'était pas en mesure de suivre le cours des pensées, des théologiens byzantins rompus aux disciplines de la philosophie grecque.
On peut juger la manière d'argumenter employée dans ces lettres si on critique à partir d'une formation théologique poussée. (3) Ce qui tombe sous les yeux c'est que les pères de l'église ne sont pas cités, contrairement à l'habitude de St Grégoire le G.. La source unique des références c'est l'Ecriture Sainte. Quant au résultat, il est clair que l'interdiction d'examiner le problème de la double origine de l'activité (ou énergie) constitue un coup de pouce donné à l'hérésie. Cette position est d'autant moins excusable que Sophronius, qui entre-temps était devenu patriarche de Jérusalem, avait fait transmettre, après l'envoi de la première lettre, son message d'intronisation dans lequel il analysait et soutenait la thèse des 2 volontés, en puissance comme en acte.
Honorius mourut trois ans plus tard, en 638. Il n'avait pas eu connaissance de l'ekthesis (ou interprétation). On appelle ainsi la résolution adoptée par le synode de Constantinople qui s'était réuni cette même année, résolution que l'empereur avait fait proclamer avec force de loi. Elle définissait que "le Christ est une seule personne ayant deux natures et que dans chacune il n1 y a que la seule volonté de Dieu. "Les conséquences malsaines des lettres d'Honorius apparaissaient au grand jour de l'Orient. Si l'ekthesis était destinée à apaiser l'agitation dans l'empire romain d'orient, ele arrivait d'ailleurs trop tard: l'islam avait fait irruption dans ces provinces rétives du sud-est, et avait partout remporté la victoire. La Syrie et la Palestine étaient tombées aux mains des Arabes qui propageaient la religion nouvelle de Mahomet.
Les successeurs d'Honorius s'opposèrent à la politique religieuse de l'empereur et condamnèrent 1'ekthesis. Ils étaient parfaitement orthodoxes, et néanmoins ils ne portèrent pas d'anathème contre leur prédécesseur. Au contraire son deuxième successeur, Jean IV, s'efforça assez gauchement de défendre son action dont il rédigea un texte justificatif. Le pape Martin I (649-655) fut le plus incisif dans la contre-attaque contre le monothèlètisme ou doctrine d'une volonté unique en N.S.J.C.. Déjà la première année de son règne il convoqua un synode à Rome où fut établie la définition des 2 volontés en puissance et en acte. L'inimitié de l'empereur envers ce pape alla juqu'au point où il fit arrêter Martin et le transféra à Constantinople en 653. Il entama contre le pape un procès pour haute trahison et l'Eglise fête ce martyr de la Foi le 12 novembre: il fut en effet condamné à mort après de cruels sévices, puis sa peine fut commuée en déportation dans la péninsule de Crimée où il trépassa.
En 678 il y eut un renversement des mauvaises relations entre Rome et Constantinople. L'empereur invita le pape Agathon à ouvrir un concile dans la capitale d'orient. Le souverain reconnaissait en effet, qu'après avoir perdu tant de provinces il lui fallait conserver au moins l'Italie, et Rome en particulier; ce n'était encore possible à cette époque que par une entente avec le pape qui, depuis Grégoire le G., était le véritable maître de la Ville. Agathon envoya à la cour de Byzance des légats porteurs d'une lettre dans laquelle il insis-tait, malgré la correspondance d'Honorius, sur l'infaillibilité de la Cathedra Pétri, en citant les paroles de Jésus: "Simon, Simon! Voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler comme du froment, mais j'ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas." (Luc: 22,31). Les extraits suivants, et particulièrement l'expression " par leur silence", font allusion à Honorius:" Les hérétiques s'acharnent contre le Siège Apostolique en lançant sans trêve des reproches sans fondement et des calomnies haineuses. (...) Et cependant nos prédécesseurs, confrontés aux innovations byzantines, n'ont cessé d'adresser à leurs auteurs monitions et adjurations pour qu'ils cessent, au moins par leur silence, de favoriser l'hérésie." (4). Le pape voulait par là empêcher les pères conciliaires grecs de condamner Honorius I.
Ce 6e concile oecuménique qui se déroula à Constantinople accueillit favorablement cette lettre qui était avant tout la doctrine catholique et la réfutation de l'hérésie des monothèlètistes. Pourtant, dans sa session du 28 mars 681 il jeta 1'anathème sur "l'évêque de l'antique Rome" Honorius, en même temps que sur les auteurs et les meneurs du monothèlètisme. Les grecs lui reprochaient d'avoir, dans ses lettres, adopté le point de vue de Serge, et soutenu sa doctrine impie. En résumé on peut dire que les grecs se soumirent à Rome quant à la reconnaissance des deux volontés existant en N.S.J.C., mais, pour le faire, ils exigèrent qu'on leur sacrifiât Honorius. Ils gardèrent cependant le silence sur les deux empereurs Héraclius et Constant, alors décédés, et auparavant puissants protecteurs de l'Eglise qui avaient favorisé l'hérésie. La condamnation du pape accusé de la même erreur était d'ailleurs pratiquement acquise depuis pas mal de temps, alors qu'il était mort, lui, en paix avec l'Eglise.
La profession de foi présentée par le concile est un élargissement de la définition de Chalcédoine: "Nous reconnaissons selon l'enseignement des pères qu'il y a en Jésus-Christ deux volontés naturelles, facultés immanentes effectivement exercées, exemptes de partage, de changement, de mélange, inséparables; cohabitant de telle sorte qu'elles ne s'opposent pas, mais à l'inverse de telle manière que le vouloir humain épouse la volonté divine et lui reste subordonné."
Agathon mourut pendant le concile. Son successeur Léon II se trouva dans une situation difficile: d'une part l'intransigeance envers Byzance aurait entraîné pour l'Eglise la perte du soutien impérial, toujours important; d'autre part il était difficile de révoquer 1'anathème, parce-que les légats pontificaux l'avaient contresigné sans dire mot pour défendre Honorius. Ce faisant ils avaient outrepassé les pouvoirs que le St Siège leur avait délégués, car Agathon leur avait interdit d'entreprendre quoi que ce fût qui fit écran à l'enseignement apostolique et romain. Or, comme nous l'avons déjà indiqué, aucun des successeurs d'Honorius I n'avait attaqué ce pape pour hérésie. Léon II sanctionna alors sa culpabilité d'une étrange façon, car il ajouta : "(Honorius) qui a négligé de garder la Tradition Apostolique pure comme le doit le St Siège, mais au contraire par profane insouciance a permis que l'Eglise immaculée fût souillée."
Le pape s'exprima de semblable manière envers les évêques espagnols, auxquels il écrivit: "Honorius n'a pas, comme c'était le devoir de l'Autorité Apostolique étouffé l'hérésie dans l'oeuf, mais l'a favorisée par sa négligence." On peut discuter pour savoir si ces compléments constituent une mitigation de 1'anathème prononcé par les pères conciliaires. Cette faute dûe à la négligence parut assez grande en effet, pour que, durant une période, les papes fussent dès lors soumis à l'obligation de jeter l'anathème contre Honorius, à l'occasion de leur montée sur le trône. (C'est écrit ans le Liber Diurnus, qui est le plus vieux registre de la chancellerie romaine). Dans une version qui resta en vigueur jusqu'à Clément VIII (1592-1605), le bréviaire, en la fête de Léon II, saint canonisé, fit mémoire de la condamnation d'Honorius, sans mentionner que l'hérétique fut pape.
Cependant au cours du Moyen-Age 1'anathème tomba dans l'oubli en Occident. Les grands théologiens de cette époque, comme par ex. St Thomas d'Aquin, ne mentionnent pas le cas d'Honorius. Il en allait autrement dans l'Eglise d'Orient où 1'anathème était souvent répété, et Honorius classé parmi les hérétiques par la plupart des théologiens. A l'époque moderne on peut distinguer grosso modo trois théories sur ce cas:
1) Les actes du concile ont été falsifiés par les grecs. 2) L'erreur d'Honorius fut celle d'une personne privée. 3) Honorius a proféré l'hérésie ex-cathedra.
L'explication (1) a comme exponent majeur ce grand historien de l'Eglise que fut le cardinal César Baronius (1538-1607). Son argumentation a été mainte fois reprise. Elle a été distinguée comme solution possible par St Alphonse de Liguori lors qu'il a traité du problème de l'infaillibilité de Pierre dans sa théologie morale. Les recherches historiques postérieures ont néanmoins démontré que cette explication ne pouvait être maintenue. Le dernier théologien à l'accepter fut un jésuite, le cardinal Louis Billot (1846-1931), un des thomistes les plus considérables de son temps, adversaire du modernisme. Il ne trancha pas définitivement, mais recommanda en premier lieu l'opinion des cardinaux Baronius et Bellarmin (1542-1621), lequel a souvent traité du cas d'Honorius dans ses controverses avec les protestants. Sa théorie est double: d'une part il adhère à l'hypothèse de la falsification, d'autre part il dit que dans la seconde lettre Honorius a professé la seule solution catholique qui détruisait entièrement le monothèlèfïsme, celle des 2 natures en Jésus, et de leur distinction exempte de mélange.
La conception (2) n'est pas sans fondement dans l'Eglise: même Bellarmin ne la refuse pas absolument, et la tient même pour assez vraisemblable, bien que le contraire lui paraisse plus probable. Elle n'est toutefois pas acceptable dans le cas d'Honorius. La réponse du pape à un évêque qui le consulte sur une question de foi ne peut passer pour une lettre privée, même si le destinataire est unique.
Les partisans de la solution (3) ont été pricipalement des protestants, mais également de théologiens gallicans tels que Bossuet (1627-1704). L'aigle de Meaux souligne qu'Honorius a été condamné par un concile oecuménique, parce-que, ayant à répondre à l'Eglise sur une question de foi, il n'a pas été fidèle à sa charge. Il n'a pas confirmé ses frères dans la foi, mais les a conduits à la ruine et s'est abîmé avec eux dans leur chute.
Pendant le concile du Vatican (1869-1870) le cas d'honorius prit un relief particulier lorsque les pères se proposèrent de définir comme dogme la tradition de 1'infaillibité du successeur de Pierre en tous temps. Seule une minorité conciliaire s'opposa à cette canonisation. Un de ses pricipaux port-paroles fut l'historien de l'Eglise Charles, Joseph, de Hefele (1808-1893), de Tübingen, évêque de Rottenburg à partir de 1869. Il considérait, en effet, que le cas Honorius était un obstacle sérieux. Charles disait que, certes, la pensée réelle d'honorius avait été orthodoxe, mais qu'il avait été condamné par un concile oecuménique parce-qu'il avait enseigné l'hérésie ex-cathedra. En 1871 cet évêque fut le dernier à se soumettre aux conclusions du concile. Dans la nouvelle édition de son "Histoire du Concile", il atténua sa première assertion. Il affirma que, dans ses lettres Honorius avait cherché à expliciter fidèlement la Tradition, et interpréta l'interpolation de St Léon comme une édulcoration de 1'anathème. Bref, il est aisé de voir que 1'évêque de Rottenburg a cherché à mettre la Causa Honorii en harmonie avec le dogme de l'infaillibilité. Du point de vue catholique la proclamation de ce dogme a résolu la question. Depuis lors son traitement dans la théologie catholique ne sort pas des voies permises par la reconnaissance de l'infaillibilité du souverain pontife. Les exemples abondent. Citons (...): "II est vrai qu'Honorius a utilisé 1'expression des monothèlètistes et rejeté l'orthodoxe. Mais ce qu'il refuse en realité est assez net: une volonté humaine en conflit avec la volonté divine. C'est donc avec juste raison que Léon II a délimité le motif valable de la condamnation d'Honorius: Honorius a mal fait son devoir dans la mesure où il n'a pas clairement combattu l'hérésie." (5)
Références:
(1) "Mysterium salutis, éléments de dogmatique de l'histoire du salut", par Joseph LORTZ, Münster, 1970, tome III/l, p. 469. (2) " Jésus, Homme et Dieu" par Constantin GUTBERLET, Regensburg 1913, p. 82. (3) "Le problème d'Honorius au Moyen-Age et à l'époque moderne" par Georges KREUTZER, Stuttgart 1975, p. 56. (4) Col. 246 de GRISAR, "Honorius", dans le "Lexique de l'Eglise" par von WETZLER et WELTE, en six volumes, Fribourg 1884. (5) "Manuel de l'histoire de l'Eglise" par Hubert JEDIN, t.II, Fribourg 1975, p. 211.
Traduction d'André Perlant.
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REMARQUES (du traducteur)
(1) En résumé il apparaît que les papes, et particulièrement les prédécesseurs et successeurs immédiats d'Honorius, ne l'ont jamais soupçonné d'être peu ou prou hérétique. Il n'a donc pas été effacé de la liste des papes. (2) S'il avait été rejeté parmi les anti-papes, Honorius aurait tout de même constitué une exception remarquable: les usurpateurs du Saint-Siège, jusqu'à Pie XII, ont été déclarés occupants illégitimes de la Chaire de Pierre, pour des motifs divers; pourtant aucun d'eux n'a été déposé parcequ'il était jugé hérétique.
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