La Sainte Trinité
par Abbé Josef von Zieglauer
(Trad.: Elisabeth Meurer)
«Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit», c’est ainsi que nous
devons tous être baptisés selon le commandement de Jésus Christ.1) Il
est la deuxième personne de la Trinité, envoyé par le Père pour
«révéler à tous les hommes la réalisation du mystère caché depuis
toujours en Dieu, le créateur de l’univers...».2)
A l’égard de Dieu, nous ne devons pas penser ni croire autrement que:
Dieu est un seul en trois personnes: Père, Fils et Saint-Esprit.
Cela est un mystère de la foi, une connaissance qui ne nous est
accessible que par la révélation de Dieu. Nous n’aurions jamais pu
acquérir ni oser prétendre que nous avons découvert ou exploré une
chose pareille en vertu de notre propre intelligence. Voilà bien le
caractère des mystères de Dieu: ils sont trop riches, trop clairs pour
notre entendement. Mais si nous les acceptons dans la foi, nous
réussissons, éclairés par eux, à comprendre d’une manière plus correcte
et plus fructueuse toute chose que nous apercevons dans le monde et à
en juger. C’est la même chose qu’avec la lumière du soleil: le soleil
est trop vif pour nos yeux, nous ne pouvons pas y plonger nos regards
sans perdre la vue. Mais ce n’est qu’à la lumière du soleil que le
monde entier s’ouvre à nos yeux dans sa richesse, sa beauté et sa
plénitude de sens. C’est le même cas en matière de foi. De là, on
comprend le mot du docteur St. Anselme de Canterbury (+ 1109): «Credo ut intelligam», c’est à dire: Je crois pour (mieux) comprendre.
Dieu le Père, Créateur et Seigneur
Nous commençons par Dieu le Père. La première vérité fondamentale de la
foi dit: «Il n’y a qu’un seul Dieu».3) Sans accepter cette vérité, nous
ne pouvons pas être sauvés. Elle est indispensable, «necessitate
medii», donc nécessaire pour gagner le ciel. Il est impossible d’être
justifié devant Dieu sans cette foi.4) A cela il faut ajouter la
deuxième vérité fondamentale: «Dieu est un juge juste qui récompense le
bien et punit le mal». Est-il difficile d’arriver à la connaissance du
Dieu unique et vrai? Voyant tant de choses dans ce monde, nous en
recherchons les causes. Des traces, nous pouvons en déduire des choses
et des événements que nous n’avons ni vu ni vécu immédiatement. Quand
nous voyons des changements inattendus, nous en recherchons
immédiatement les causes.
C’est la même chose pour le monde entier. Plein de curiosité et de
désir de savoir, un enfant regarde déjà le monde qui se lui présente. A
mesure que où notre intelligence se développe, nous posons la question
de la raison de notre existence et de son origine. Nous nous demandons
aussi: Pourquoi est-ce que j’existe? Car je pourrais bien ne pas
exister. Ou bien: Pourquoi donc existe quelque chose? Ces questions
naissent de l’expérience primaire du néant d’où nous venons, elles
naissent de la contingence, comme les philosophes appellent l’être issu
du néant. De cette façon, la mère macchabée déjà a instruit son
dernier-né.5)
A mesure que notre connaissance notre connaissance du monde et de la
nature progresse, nous nous étonnons de la multiplicité de tout ce qui
se fait. La question née de l’étonnement nous mène à la connaissance
d’un être tout-puissant, omniscient, extrêmement sage qui est la cause
de tout ce qui existe, à savoir: Dieu. Il n’y a qu’un seul Dieu. Il
doit exister si toutefois quelque chose existe: aucune autre cause est
possible.
C’est d’ailleurs un Dieu bon, tout-puissant et même paternel.
Continuons notre recherche. En tout lieu où nous trouvons sens, ordre,
activité raisonnable, organisation – dans une maison, une entreprise ou
une communauté – on peur en conclure qu’une personne sage et prévoyante
y agit, un père, une mère ou un chef d’entreprise. Car sans cette
direction prévoyante, il est impossible que naissent cet ordre et cette
activité sans heurts. C’est don en étudiant le monde que nous arrivons
à la connaissance: il existe un Dieu qui dirige les étoiles, les vents,
la croissance des plantes, les diverses formes de vie des animaux ainsi
que leur façon de vivre et d’agir ensemble. Il est infiniment grand et
mystérieux, plein de sagesse, de richesse et de bonté paternelle, mais
aussi plein de majesté et de sublimité. Nous sommes Ses créatures, nous
Lui sommes obligés et non vice versa. Notre existence même est un don
libre de Dieu. Cela exige que nous donnions une réponse convenable par
notre comportement. Nous devons reconnaître que nous sommes inférieurs
à Dieu. Nous devons nous soumettre à Lui, observer l’ordre établi qui
nous est reconnaissable, louer Die en vue de ce monde où toute chose a
un sens. Car même les créatures n’étant pas douées de raison louent
Dieu à leur manière.6)
Nous devons nous conformer volontairement au plan de Dieu.
Malheureusement, l’homme peut le refuser. Cela se voit déjà dans les
rapports humains: au sein de chaque famille, chaque communauté, chaque
entreprise. Celui qui a été reçu dans une communauté où il est en
bonnes mains, doit s’adapter à son ordre. Sinon il sera exclu ou puni
comme coupable – du moins dans une entreprise. Le docile et l’obéissant
par contre sera récompensé et honoré. Le mérite et la culpabilité sont
les facettes de notre libre arbitre. Cette règle valable dans les
relations humaines doit nécessairement être de plus grande importance à
l’égard de Dieu. Pour cette raison, la deuxième vérité fondamentale
dit: «Dieu est un juge juste qui récompense le bien et punit le mal».
L’homme peut donc reconnaître l’existence de Dieu aussi bien que sa
dépendance de Lui et sa subordination obligatoire.
La reconnaissance claire et nette de ce fait se trouve comme base dans
la révélation de l’Ancien Testament et dans la tradition juive. Mais on
en trouve aussi quelques traces dans les anciennes religions païennes
malgré toute sorte d’aberrations. Même si les païens avaient des idées
confuses de Dieu, ils ont senti l’obligation morale de se soumettre à
Dieu. Prenons comme exemple le «TAO» des Chinois, l’harmonie de
l’univers. L’homme est tenu moralement de s’y conformer. A l’aide de ce
principe, les chinois ont construit un État puissant et bien ordonné
dans son genre. De même, ils ont créé une riche civilisation. Saint
François Xavier SJ (+ 1552) a admiré celle-ci tant qu’il a demandé au
Pape les meilleurs missionnaires afin que la vraie lumière de
l’Evangile éclaire aussi les Chinois. En outre, nous pouvons penser au
Romains. Ils ont estimé beaucoup la «pietas», la piété, le respect de
la divinité et de son ordre. C’est elle qui les a rendus aptes à créer
un ordre juridique correspondant au droit naturel qui est reconnu
encore aujourd’hui. Dans l’Ancien Testament, Dieu a habitué le «peuple
élu» à l’obéissance à ses commandements avec puissance et souvent aussi
avec sévérité. Car comme sur les païens, l’esprit de la révolte a pris
de l’influence sur les Israélites en conséquence de défaillance humaine.
A l’homme rétif s’offre toute une série de sophismes, mais qui
convergent tous sur une seule conclusion, à savoir: dénoncer la
soumission à Dieu, c’est la révolte contre Dieu (l’émancipation).
L’homme qui ne veut ni croire ni se soumettre à Dieu a recours à
beaucoup de prétextes.
C’est d’abord la causalité mécanique qui s’offre comme explication de
tout ce qui se fait. Déjà les païens cherchaient à regarder le monde
comme mouvement perpétuel, un éternel mourir et naître, où le bien et
le mal ne sont que des degrés d’évolution. Les philosophes Johann
Gottlieb Fichte (1762-1814) et Wilhelm Friedrich Hegel pensaient avoir
trouvé une autre explication avec leur dialectique, à savoir
l’antinomie nécessaire de l’antithèse avec la thèse qui mène à la
synthèse pour causer un saut de qualité et à partir de là une nouvelle
antithèse etc.7)
On refuse comme puérile et naïve la connaissance d’un être
tout-puissant, omniscient, paternel – cause de tout ce qui existe –
dont nous avons parlé plus haut. Les connaissances de la science
concernant l’évolution, la cosmogonie et par conséquent la formation de
notre terre aussi présentent une cause de chaque changement. Cela
pourrait nous suggérer la conclusion que tout se fait en vertu d’une
nécessité mécanique, chimique, physiologique. Dans une usine qui
fabrique des pièces d’automobiles, on peut observer également les
étapes successives de la fabrication, les causes et les effets. Mais si
l’on ne connaît pas le produit final, on ne comprend pas le sens des
parties composantes. Même si le produit final n’est pas encore achevé,
il est nécessaire que tout le procédé de fabrication soit imaginé,
calculé et marqué. Cela exige une personne qui ait imaginé le tout en
détail.
Voilà comment les évolutionnistes voient la genèse du monde: ils
étudient les causes, ils voient même le produit final, à savoir un beau
monde habitable, riche, plein de sens et d’ordre. Mais la seule chose
qu’ils ne veulent pas admettre, c’est qu’il doit y avoir quelqu’un qui
a conçu tout cela. Au lieu d’un créateur tout-puissant et riche en
idées, ils préfèrent admettre une force indéterminée contenue dans les
choses, une volonté aveugle régnant sur tout, ou bien l’absolu, mais on
n’arrive pas à comprendre comment cela fonctionnerait. Ils admettent
tout sauf un créateur. En outre, cette théorie embrouille de plus en
plus le regard par des visions utopiques de l’avenir de sorte qu’on ne
voit plus la beauté, la richesse et le sens de la création. Ces visions
mènent carrément à l’abus et à la destruction de l’ordre établi par
Dieu, de la beauté et du sens. C’est pourquoi on cherche désespérément
des valeurs nouvelles. N’est-il pas écrit dans la Genèse que Dieu a
achevé son oeuvre au sixième jour, qu’il l’a bénie et qu’il a fait du
septième jour le jour de repos, le jour de l’adoration et de la
glorification du Créateur?8)
Les théories d’une évolution nécessaire et inévitable utilisées comme
explication de tout ce qui se fait dans le monde mènent à une vision
relative des valeurs. Au nom de l’évolution, on pense que les vues et
les jugements d’autrefois sont dépassés et qu’ils ne sont donc plus
obligatoires. On travaille avec zèle pour le progrès sans savoir ce que
celui-ci entraînera. Dans l’histoire moderne, tout cela a mené à des
révolutions sanglantes, au déclin de toutes les valeurs, à la révolte
contre tout ordre dans la famille, dans la société et dans les Etats, à
l’aveuglement à l’égard de l’ordre de la nature et à l’affirmation
impie que tout cela est le progrès inévitable. Le développement rapide
des sciences et de la technique a encore confirmé cette attitude.
Ainsi, la croyance en Dieu, notre Seigneur, sera le correctif d’un tel
dérive selon la parole de l’Ecriture sainte: «La crainte de Dieu est le
commencement de la sagesse.»9)
L’évolution mentionnée plus haut ignore Dieu parce qu’elle ne veut pas
l’adorer. Dans l’Ancien Testament, l’adoration de Dieu était d’une
grande importance, également chez les païens, bien qu’ils aient adoré
de faux dieux. Elle jouait un grand rôle dans l’ordre social. Notamment
le sacrifice était le signe le plus clair de la soumission à la
divinité. Cette soumission a été presque complètement supprimée dans la
pratique moderne de la religion. Les païens antiques ont déjà pressenti
cela dans le mythe de Prométhée qui a volé le feu à Zeus pour
l’apporter à la terre. Combien cela ressemble à l’évolution
d’aujourd’hui, où l’homme veut s’emparer de l’omniscience et de
l’omniprésence de Dieu par la connaissance et l’utilisation des ondes
électromagnétiques. Il est vrai que les connaissances nouvelles offrent
des possibilités inespérées, mais elles comportent aussi le risque d’un
contrôle total des hommes et de leur asservissement. Tandis que Dieu
est le Seigneur et un père qui aime ses créatures, les faux dieux sont
des tyrans, des démons qui séduisent les hommes et les réduisent en
esclavage.
Dieu le Fils, sagesse et vérité
Parlons maintenant de la deuxième personne en Dieu. N’oublions pas :
«Il n’y a qu’un Dieu!» C’est ce que dit notre Credo. Mais Dieu, le
Seigneur, nous a laissé regarder le mystère de sa vie d’une manière
encore plus profonde. Car il a fait venir la Parole éternelle dans le
monde. «Au commencement était le Verbe»10), c’est ainsi que commence
l’Evangile selon Jean. Jamais je n’oserais dire une chose pareille si
cela ne nous était pas révélé par la grâce divine. Pouvons-nous, après
cette révélation, dire quelque chose de ce mystère?
Je vais l’essayer: dans notre enfance déjà, quand nous avons entendu
dire: Dieu est éternel, il a toujours existé, il existera toujours, la
pensée suivante nous est venue: Eh bien, qu’est-ce que Dieu a fait
pendant toute l’éternité, lorsqu’il était tout seul? Voilà la réponse:
Dieu est infiniment riche et glorieux en lui-même, de sorte que tout
l’univers n’est même pas comme «la goutte dans le seau.» Oui, voilà le
mystère de la vie divine. Dieu est esprit, et esprit veut dire
reconnaître et vouloir, décider volontairement, et la décision naît de
l’amour. Elle est le mouvement vers le bien.
Etant donné qu’un seul Dieu infini est possible, l’objet de sa
reconnaissance ne peut être que sa propre perfection. Mais pour
reconnaître et aimer, il faut l’autre personne comme vis-à-vis et la
parole qui exprime le contenu de ce qu’on a reconnu. C’est seulement
ainsi que fonctionne la vie spirituelle. Là nous voyons aussi que toute
la création avec sa beauté, sa richesse de sens ainsi que de dons et de
possibilités n’aurait aucun sens si elle n’était pas reconnue: la
connaissance est la lumière qui fait tout venir au jour et à la
conscience. Et la parole est la reproduction de ce qui a été reconnu.
Plus la connaissance est ample et à l’image de son objet, plus la
parole est aussi explicite et à l’image de l’objet.
Ainsi, la vie intérieure de Dieu peut consister seulement dans le fait
que, dès l’éternité – ou plutôt dans son présent éternel, Dieu
reconnaît sa perfection et l’exprime dans le Verbe spirituel.
Comment cela se fait-il donc? Nous, les hommes, nous ne pouvons le voir
que vaguement. Mais selon la révélation de Dieu, le fait ne peut être
douté. C’est la génération du Fils par le Père. Le Verbe est l’image
parfaite de la gloire reconnue du Père, le Fils est l’image du Père:
«Le Père et moi, nous sommes un.»11) Et si nous acceptons la parole
révélée de Dieu, c’est à dire qui Dieu créa l’homme à son image et à sa
propre resemblance12), nous pouvons mieux comprendre le processus au
sein de la Trinité qui est appelé génération. La génération est un
processus qui relève de la nature: la génération de l’esprit consiste
dans la connaissance et dans l’expression de cette connaissance.
L’homme est aussi un être spirituel. C’est aussi la raison pour
laquelle il a besoin de l’autre. La première personne à qui s’adresser
est Dieu. C’est de Lui que nous avons tout reçu. Mais il les créa homme
et femme. Nous avons aussi besoin de l’autre personne humaine. C’est
seulement ainsi que la vie devient plus belle et plus riche ; c’est à
l’autre personne que nous exprimons nos connaissances dans la parole,
et nous obtenons d’autres connaissances dans la parole de l’autre.
C’est seulement par l’échange mutuel, la communication mutuelle et en
apprenant l’un de l’autre que toute la richesse de la vie humaine peut
s’épanouir.
Ainsi, la parole de Dieu, le Fils éternel de Dieu, est devenu un homme
et a vécu parmi nous.13) La parole divine est lumière, parce qu’elle
est la vérité, et c’est cette vérité dont nous avons besoin. Mais «la
lumière a brillé dans l’obscurité, et l’obscurité ne l’a pas
comprise.»14) Là, on peut appliquer la vérité suivante: celui qui ne
l’accepte pas, restera dans l’obscurité.15)
Ainsi, nous voyons que, pour l’épanouissement de la vie, nous avons
besoin de la parole, de la communication, à savoir: de la communication
de la vérité.16) Pilate, le gouverneur, a cependant haussé les épaules
en disant: «Qu’est-ce que la vérité?»17) Cependant, nous avons besoin
de la vérité. Mais hélas, si elle n’est pas conforme à l’ego gâté, la
vérité doit trop souvent faire place à la tromperie, au mensonge dans
le communication. Ainsi, dans le déluge actuel d’information, la
communication n’est que trop souvent de la désinformation. Nous voyons
la nécessité urgente de la vérité. Hélas, si elle est étouffée par des
sources d’information chargées d’intérêts – économiques, politiques,
axées sur le marché! Ce que la parole de l’apôtre est actuelle
aujourd’hui: «Et la lumière a brillé dans l’obscurité, et l’obscurité
ne l’a pas comprise!»18)
C’est surtout depuis le siècle des lumières que s’est éveillé l’effort
d’acquérir des connaissances et de faire des jugements à l’aide de sa
propre raison. L’homme doit se libérer de l’immaturité mentale arrivée
par sa faute et utiliser sa raison à lui. L’homme a été mené à cette
attitude par le grand nombre de connaissances et de découvertes des
sciences naturelles, de la recherche historique et de l’étude des
sources. Cette attitude l’a rempli d’une prétention un peu trop forte.
Et pourtant, on ne peut négliger que, sans adopter les connaissances
d’autrui, on ne peut pas élargir, approfondir et développer les
siennes. Ne reconnaissons-nous donc pas que, si nous adoptons des
connaissances d’autrui, nous pouvons aussi risquer d’être trompés? Même
lorsqu’il s’agit de l’adoption de connaissances scientifiques, surtout
des sciences humaines, les différentes écoles témoignent de la
possibilité de tromperie. Les connaissances des sciences naturelles
peuvent être vérifiées dans l’expérience, c’est à dire qu’on peut
prouver qu’elles sont correctes, ce qui est beaucoup moins facile avec
celles des sciences humaines. L’acceptation de jugements des sciences
humaines ne peut que trop souvent être influencée par des états d’âme,
des sympathies et des attitudes de base. Abstraction faite du déluge
actuel d’opinions avec sa diversité ambiguë et son importunité, on
réussit, grâce aux connaissances de la psychologie expérimentale, aux
méthodes de la dynamique du groupe, à ne pas transmettre des
connaissances mais à manipuler les hommes des sorte qu’ils adoptent
certaines attitudes, certains désirs ou un certain comportement de
consommation. Ce n’est pas l’esprit de la vérité mais celui de
l’adversaire, du Prince de ce monde et du «père du mensonge», comme
notre Seigneur l’a appelé.
A cet arrière-plan, nous pouvons présager l’amour du Père divin, qu’Il
a envoyé la Parole, le Fils, la révélation de la vérité: la révélation
du mystère caché depuis toujours en Dieu, le Créateur de l’univers.19)
Don on peut dire: «Cherchez donc, avant tout, le Royaume de Dieu et sa
Justice, et tout cela vous arrivera par surcroît.»20) Car: «Que sert à
l’homme de gagner l’univers entier, s’il vient à perdre son âme?»21) Ce
n’est pas le monde qui est notre but, notre vraie patrie, mais le Ciel,
la communion éternelle avec Dieu. Quel courage et quel défi que
d’affronter le monde avec ces principes, ce monde qui ne pense qu’à son
bien-être! Ainsi, Jésus, le Fils de Dieu, l’image du Père, est devenu
un homme et venu pour vivre parmi nous, pour annoncer la vérité en
paroles humaines, la vérité éternelle (!), par Sa vie pour être notre
modèle et pour nous précéder, par Sa croix et le sacrifice de Sa vie,
afin d’ expier pour nous et de vaincre les fausses offres de bonheur du
monde (aujourd’hui spécialement: la machine et le sexe) pour nous
ouvrir ainsi l’entrée à la joie céleste, impérissable. Voilà la
priorité de la vérité révélée à toute curiosité, tout désir de savoir
et tout désir de bonheur. Voilà le dogme, la parole de Dieu, à laquelle
nous croyons, non à cause de la force de notre raison mais à cause de
la véracité et l’omniscience de Dieu qui ne peut ni mentir ni se
tromper.22)
C’est ce que Jésus a annoncé et accompli et a confié à Son Eglise en
envoyant les apôtres délégués par Lui et leurs successeurs et en
promettant explicitement la fiabilité de leur annonciation. Mais comme
les enfants de ce monde ne sont pas tombés sur la tête non plus, car il
sont bien plus prudents et habiles que les enfants de la lumière23) –
cela est aussi confirmé par l’expérience, et notre Seigneur l’a aussi
avoué Lui-même – ils n’ont pas hésité à utiliser bon nombre de
principes valables de la doctrine divine comme étiquettes pour des
attitudes fausses et divergentes. Car le diable apparaît souvent comme
un « ange de la lumière»! Et pourtant, on peut dire: «Et si quelqu’un –
même si c’était un ange venu du ciel – vous annonçait un Evangile
différent de celui que je vous ai annoncé, n’y croyez pas!»24)
C’est pourquoi le dogme, l’article de foi, l’offense permanente pour les ennemis de la vérité, appartient à la parole de Dieu!
Il y a d’innombrables tentatives de falsifier la foi, au sujet
desquelles le magistère de l’Eglise a dû prendre position, avec
l’autorité divine. C’est pourquoi il y a un grand nombre de dogmes,
donc de définitions de la foi et de mises au point obligatoires.
Certes, personne n’est obligé de les connaître toutes, ce qui ne serait
guère possible. Mais tout catholique est obligé de connaître les
révélations les plus importantes citées dans le Credo, les
Commandements de Dieu et tous les commandements de l’Eglise et les
moyens nécessaires de la grâce. Toutes ces choses sont résumées dans le
catéchisme. Etant donné que les protestants aberrants se sont séparés
du magistère vivant et n’acceptent que l’Ecriture sainte comme seule
source de la foi, ils se sont presque nécessairement divisés en de si
nombreuses ‘églises’ différentes. Pour garantir un certain accord entre
ses adhérents, même Martin Luther (1483-1546) a rédigé un catéchisme à
part, afin de déterminer ses adhérents à sa manière d’interpréter
l’Ecriture sainte.25) On voit donc que le catéchisme catholique est un
appui nécessaire et une défense contre la manière arbitraire d’user de
l’Ecriture sainte. Puisqu’il a complètement disparu aujourd’hui de
l’enseignement public, même dans l’ ‘église’ post conciliaire, nous
trouvons l’énorme ignorance parmi de nombreux catholiques qui a été
beaucoup déplorée.
Aujourd’hui, le dogme est souvent considéré comme une sorte de
‘camisole de force’ pour notre cerveau, comme une oeillère qui gêne
notre pensée, mais on ne le voit plus comme médiateur de la parole et
de la sagesse de Dieu et de Sa lumière. C’est ce que cet exposé essaie
de montrer. De plus, tout homme de science, tout technicien et artiste
sait que seulement en observant strictement les règles de sa matière,
il peut achever son oeuvre.
Une autre raison de l’hostilité contre le dogme nous est présentée: la
préoccupation de la paix dans le monde. Jésus a dit: «Je vous laisse ma
paix, je vous donne ma paix! Je ne vous la donne pas comme le monde la
donne!»26) N’est-ce pas déjà le diable qui, en tentant Jésus pour la
troisième fois au désert, Lui a fait la proposition suivante: «Eh bien!
tout cela je te le donnerai, si, tombant à mes genoux, tu m’adores!»27)
C’est comme s’il voulait dire: Pourquoi nous disputons-nous? Si nous
deux sommes solidaires, toute la tension cessera.
D’une manière semblable, on veut aujourd’hui, au cours de l’entente
entre les religions ou de l’œcoumène, être plus prudent avec la
revendication de la vérité de la religion catholique. Ce n’est que
récemment que le délégué diocésain pour le dialogue avec les Juifs a
dit que l’on veut de nouveau mettre mieux en valeur ce qu’on a en
commun avec les Juifs: l’Eglise catholique a beaucoup plus en commun
avec eux qu’avec d’autres religions: tout l’Ancien Testament, et dans
le Nouveau Testament aussi, nous pouvons constater l’enracinement
profond dans la religion juive: Jésus était un Juif, Lui aussi, il
avait grandi dans leur tradition, il était un rabbin, comme il y en
avait plusieurs, seulement qu’Il était pourvu d’un charisme très
exceptionnel etc. Eh bien, si nous supposons que Jésus est ainsi, ce
Jésus aurait dû répondre différemment, devant le Sanhédrin, à la
question du grand prêtre: «Es-tu le Fils de Dieu?» Disons que la
réponse aurait dû être: «Non, je n’avais pas voulu le dire ainsi. C’est
seulement le peuple qui ajoute toujours quelque chose dans son
enthousiasme. Vous savez: les fidèles veulent toujours voir un miracle:
l’un dit qu’il l’a senti, l’autre le répète en disant qu’il l’a vu etc.
Ainsi, l’image qu’ils avaient de moi a été transfigurée avec l’auréole
du divin. Je ne voulais pourtant que mettre en valeur l’esprit de la
Thora en opposition à la fixation pédante des pharisiens aux choses
secondaires. Je voulais simplement aider les hommes. Alors, ils m’ont
fait Dieu.» Si Jésus avait dit cela, il aurait fini par se rendre
ridicule, il n’y aurait eu ni de rédemption ni de christianisme.
Cependant, les Juifs n’auraient donc pas obtenu cette importance
mondiale qu’ils doivent, en effet, seulement au christianisme. Car,
pour les chrétiens, les Juifs sont toujours le «peuple élu», dont le
rédempteur est issu. Les Juifs ont certes joué un rôle négatif dans le
cas de Jésus. Mais selon le saint apôtre Paul, ils accepteront leur
rédempteur à la fin.28)
La révélation du Fils de Dieu montre une deuxième chose: Il est d’une
nature, d’une essence avec le Père, pourvu de toutes les qualités
éminentes. Mais Sa relation avec le Père est la relation du Fils. En
tant que Fils de Dieu qui est devenu un homme, il a de plus une
relation de subordination au Père29), ce qui ne diminue cependant ni Sa
dignité ni Sa majesté divine. D’autre part, le Père reconnaît Sa gloire
dans le Fils et l’exprime dans la Parole qui reflète cette gloire
complètement. Le Fils voit dans Sa gloire l’image du Père. Il aime le
Père comme un fils, engendré par le Père. Cela signifie subordination
dans l’amour. Et cette subordination, le Fils l’a montrée par Son
obéissance en ce monde jusqu’à la mort: « Mon Père, éloignez de moi
cette coupe. Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse,
mais la vôtre!»30) C’est ainsi que Jésus à ennobli et sanctifié la
subordination. L’ignorance de cette révélation a séduit les hommes
d’aujourd’hui à considérer la subordination comme dégradation, comme
discrimination, et cela a mené à cette étrange redécouverte de la
dignité féminine – à l’émancipation des femmes. Elle est un véritable
produit du diable qui a ainsi détruit la femme, sa particularité, son
amabilité. Il y a quelques religions païennes, et particulièrement
l’islam, qui blessent la dignité de la femme. Et le diable se sert de
ces caricatures pour rendre la subordination de la femme odieuse!
La subordination n’est pas une honte. Servir Dieu veut dire régner!31)
La subordination est déjà tant refusée que l’on l’éreinte même aux
enfants et qu’on fait de l’obligation des enfants à l’obéissance envers
leurs parents une relation de partenaires entre les enfants et leurs
parents! Oh, si les hommes reconnaissaient, dans leurs femmes, la
dignité de la femme par l’exemple de Marie, la Vierge et Mère de Dieu,
on n’aurait pas besoin de l’émancipation des femmes!
Voilà la tâche que le Fils divin de l’homme a accomplie: il a vaincu
l’orgueil et l’ingratitude des hommes par Son obéissance jusqu’à la
mort. La Croix est l’arme avec laquelle notre Seigneur Jésus a vaincu
la force destructive et séduisante du diable.
Le Saint-Esprit qui dirige toute chose dans l’amour
Le Saint-Esprit, la troisième personne divine, est le souffle de
l’amour du Père pour le Fils et du Fils pour le Père. Le Père, en
reconnaissant dans le Fils toute la gloire de Son être, et le Fils, en
apercevant dans le Père l’origine de Son image parfaite, les deux se
soufflent l’un à l’autre l’Esprit de l’amour, de la joie, du bonheur
infini. C’est ainsi que l’Eglise explique la révélation de la Sainte
Trinité. L’amour est la vie divine, l’Saint-Esprit. Voilà la vie
intérieure de Dieu: Dieu est amour 32) L’homme est fait à l’image et à
la ressemblance de Dieu, et le fait qu’il est l’image de Dieu se montre
dans ses facultés intellectuelles (reconnaître et vouloir).
En inventant les cerveaux électroniques, l’homme s’est créé un
instrument qui, à cause de sa précision, de sa rapidité et de la
disponibilité prompte d’innombrables dates, surpasse de beaucoup le
cerveau humain souvent si peu sûr. Mais l’ordinateur, bien qu’il puise
secourir notre recherche de connaissance, reste quand même une machine.
Il n’a aucune connaissance, il ne fait que nous en fournir le matériel
comme, par exemple, l’écriture et le fait également. Ce n’est que notre
connaissance qui élargit notre horizon, crée de l’intérêt, de la
curiosité, peut-être aussi de la joie ou du refus. La connaissance
spirituelle, c’est l’épanouissement de la vie, de la joie, de l’amour
et du bonheur. La volonté à son tour prend ses décisions sur la base de
la connaissance. C’est la volonté qui forme l’attitude de l’homme, qui
peut faire naître l’amour, le plaisir au beau et au bien, qui dirige
notre attitude. L’amour fait le bonheur, crée l’enthousiasme, rend
notre vie digne d’être vécue même dans l’affliction et le malheur. Le
refus de l’amour fait de l’homme un être dont l’attitude est formée par
ses propres besoins et qui ne voit dans son prochain qu’un gêneur et un
fardeau. La volonté forme donc notre valeur morale et la responsabilité
de nos décisions. La révélation de Dieu dans toute la richesse du
monde, dans sa mention de la miséricorde de Dieu qui se montre à
travers l’histoire sainte, veut susciter en nous l’amour, la joie
reconnaissante et le dévouement à Dieu. Mais comme le monde et les
hommes sont en dérangement à cause de l’utilisation négative de leur
volonté, à cause du «non» lancé contre Dieu, cela a aussi ses mauvais
côtés dont l’un est la possibilité de se révolter encore, d’être
ennemis, de maudire son prochain. Ici, nous devons prendre une
décision. Dans cette situation, la promesse de Dieu que le Fils mous a
faite nous vient en aide: notre patrie n’est pas dans ce monde qui va
périr. C’est ce que l’Eglise rappelle souvent lors de ses bénédictions
en invoquant Jésus Christ, Le sauveur, «qui viendra juger les vivants
et les morts et le monde par le feu».33)
Ce monde n’est donc pas notre patrie. «N’aimez pas le monde».34) Il
n’est que lieu de passage et d’épreuve. Notre patrie, c’est le ciel,
c’est auprès de Dieu. C’est le Saint-Esprit, l’amour infini, qui peur
pousser notre volonté à des «désirs célestes»35) et la fortifier.
Chaque enthousiasme purement terrestre prend fin, une fin souvent
subite. Et pourtant les hommes se laissent parfois entraîner
grandement, même à des choses très douteuses. Pensons aux attaques
d’hystérie que certains chanteurs de musique pop provoquent chez les
foules ou bien aux manifestations de football qui dégénèrent souvent en
tumultes et en bagarres. Par là, on voit bien que l’homme est apte à
l’enthousiasme, voire que celui-ci peut devenir une énorme force
motrice qui peut cependant mener à des accidents si elle est fourvoyée.
«Notre cœur est inquiet jusqu’à ce qu’il repose en Vous, ô Dieu».36) De
nos jours, bien des intellectuels de l’ouest considèrent le bouddhisme
comme une religion semblable au christianisme. Faute de connaissance de
la propre religion chrétienne, ils voient dans le bouddhisme un
antidote efficace et s’y laissent attirer. Selon les apparences,
beaucoup de choses dans le bouddhisme ressemblent au christianisme :
l’absence de besoins dans la vie des moines qui renoncent à
l’apaisement des besoins pour être libres de toute charge superflue
parce que le plaisir est souvent la source de la souffrance. Il faut
également mentionner la pitié qui peut faire de nous des personnes
bienveillantes qui cherchent à soulager la douleur du prochain. On a
l’impression que tout cela est très proche du christianisme et
quelques-uns pensent qu’on le trouve dans le bouddhisme d’une manière
encore plus prononcée que chez nous.
Mais le bouddhisme n’est pas une religion au sens propre du mot, car
religion veut dire: lien avec Dieu. Le bouddhisme a une attitude plutôt
négative envers le monde: son but est le Nirvana qui n’est pas précisé,
la fuite de toutes les charges terrestres. Il est vrai que le
bouddhisme recommande la pitié: la pitié est belle et elle a une place
éminente précisément dans la foi chrétienne. Mais le pitié n’est pas
l’amour entier. Est-ce que l’homme peut vraiment souhaiter être
pitoyable? Oui, celui qui est tombé bien bas est heureux de trouver un
bon Samaritain. La pitié peut même être insidieuse: «Tu me fais pitié!»
C’est souvent une expression de mépris par laquelle on veut blesser
quelqu’un. Une telle pitié est une offense.
La pitié peut être insidieuse d’une autre manière encore. Goethe l’a
déjà exprimé dans le prologue de Faust I. Après l’hymne des anges
louant la création, Dieu demande à Méphisto – le diable – s’il n’a rien
à dire. Celui-ci répond qu’il ne sait rien dire du soleil et des
mondes, qu’il ne voit que la peine des hommes qui lui font pitié dans
leur vie terrestre. On y reconnaît bien la blasphémie: N’as-tu pas pu
créer de meilleur monde? C’est par la pitié que le vieux serpent a déjà
séduit nos premiers parents à la désobéissance envers Dieu: «Est-ce
vrai que Dieu vous a interdit...?»37) Le suivant devrait nous donner à
réfléchir: l’église moderne qui se dit catholique pense que sa seule
raison d’être consiste à aider tout simplement les hommes, surtout les
exclus: les époux après un mariage échoué, les personnes ayant une
perversion sexuelle etc. On offre du secours à tout le monde, même au
détriment des commandements de Dieu qui seuls peuvent confirmer l’homme
dans sa dignité et qui sont le chemin du salut. Ce n’est pas la mission
de l’Eglise de rendre la vie terrestre le plus supportable que possible
mais d’annoncer l’Evangile du Royaume de Dieu et le devoir de l’homme
de glorifier Dieu, d’ouvrir les yeux aux hommes sur leur but éternel,
le ciel auquel tous sont appelés. Mais on ne peut atteindre ce but que
sur le chemin de la croix. Jésus nous dit: «Cherchez donc, avant tout,
le Royaume de Dieu et sa Justice, et tout cela vous arrivera par
surcroît».38) Porter sa croix n’est possible que pour celui qui a
l’amour, un amour ample et complet. Bon nombre de membres de l’«église»
soulignent la pitié d’un seul point de vue selon l’opinion moderne que
l’Eglise est uniquement le défenseur des faibles. Voilà la ruse
insidieuse du séducteur à visage découvert: nous voulons vous aider
dans votre misère ; nous n’avons rien d’autre à vous offrir qui est
digne d’amour. Donc un meilleur monde? Chacun peut reconnaître que cela
restera une utopie. Aucun réformateur du monde n’en est sorti. Encore
de la technologie et du progrès technique? Tout le monde voit que cela
n’est pas non plus la source du bonheur mais plutôt de nouvelles
charges et dépendances. L’amour est plus que la pitié et la
serviabilité. Il va sans dire que ces dernières font partie de la vie
chrétienne. Mais l’amour, c’est aussi l’étonnement, l’admiration,
l’ardeur. Priver les fidèles du désir ardent de trouver le bonheur
suprême, de s’unir avec Dieu en faveur d’améliorations purement
terrestres n’est pas l’amour.
Le Saint-Esprit est l’esprit de la Vérité! Au fond, nous voulons, en
effet, savoir la vérité. Elle est certainement la force motrice de tout
désir de savoir et de toute curiosité. Et nous serions certainement
tous déçus si les connaissances auxquelles nous avons crues se
révélaient fausses. C’est pourquoi seulement la vérité est digne d’être
aimée! Jésus a confessé devant Ponce Pilate: «Je suis né, je suis venu
en ce monde pour rendre témoignage à la Vérité.»39) L’Eglise fondée par
Jésus a donné la mission suivante aux apôtres qu’Il a appelés: «Allez
donc! Parcourez le monde entier, prêchez l’Evangile à toute créature;
enseignez toutes les nations. Celui qui croira et sera baptisé sera
sauvé; mais celui qui ne croira pas sera condamné.»40) Jésus annonce
donc une doctrine obligatoire sans pareil. Si quelqu’un fait un
discours, il doit s’efforcer à trouver le consentement de ses auditeurs
en se servant d’une rhétorique adroite, mais il ne peut pas leur
ordonner de le croire. Seulement Dieu peut le faire. C’est pourquoi
celui que le Christ a délégué à enseigner doit pourtant s’en tenir
strictement à la doctrine qu’Il leur a commandée. Il sera aussi digne
de foi si sa propre manière d’agir correspond à ce qu’il enseigne. Mais
même s’il n’y réussit pas, l’obligation suivante reste valable:
«Observez donc et faites tout ce qu’ils vous disent; mais méfiez-vous
d’eux avec soin, et ne les imitez pas dans leurs œuvres.»41)
Ce sont seulement les apôtres que le Christ a pourvus de cette autorité
et à qui Il a donné la garantie de l’infaillibilité. L’Eglise est donc
la communion de tous les baptisés qui ont donc promis d’être fidèles
aux vérités révélées lors de leur baptême et qui obéissent au Pape et
aux évêques. Ainsi, on a toujours fait la distinction de l’Eglise
enseignante et l’Eglise écoutante. Ici, il est clair que les
enseignants doivent, eux aussi, écouter: le Christ et Sa mission.
Aujourd’hui, on entend quelques-uns dire: «L’Eglise, c’est nous!»42)
Ainsi, tous semblent prendre part à la mission d’enseignement de
l’Eglise. Un symptôme frappant de cette idée est le nombre plutôt élevé
d’ étudiants de théologie tandis qu’en même temps, il n’y a pas de
vocations au sacerdoce.
La révélation de Dieu nous est parvenue par l’Ecriture sainte et la
tradition orale (apostolique). Sans ladite tradition, nous pourrions
aussi mal comprendre l’Ecriture sainte. La doctrine de l’Eglise est
résumée au catéchisme. Il contient la doctrine authentifiée par
l’Eglise concernant l’histoire sainte, les commandements, les moyens de
grâce, spécialement les sept sacrements. Lors de la prédication et de
l’instruction religieuse, ces vérités sont constamment expliquées et
recommandées d’observer. Celui qui interprète ces vérités autrement,
les manipule ou même les modifie ne peut réclamer ni la foi ni
l’obéissance! Ainsi, dans le passé, des fidèles vaillants ont déjà
résisté aux erreurs de prêcheurs soupçonnés d’hérésie ou qui y
adhéraient. Pensez par exemple à Nestorius (+ en 451 environ). A cause
de sa fausse christologie, il niait que Marie est la Mère de Dieu. Ces
fidèles avaient fêté avec plaisir la condamnation de Nestorius lors du
Concile d’ Ephèse (en 431)! Selon la prédiction de Jésus, les fidèles
connaissent la voix de leur berger. Ils ne suivent pas un faux berger.
Jésus nous dit: «Je connais mes brebis, et mes brebis me
connaissent.»43) Aujourd’hui, la théologie est pratiquée comme la
soi-disant recherche libre. Elle ne laisse pas des mythes religieux
- comme on l’appelle – donc des prescriptions religieuses –
intervenir dans sa science! On s’approche du contenu de la foi comme un
dissecteur le fait avec un mort. Ils ont donc discrédité la théologie
même auprès de bon nombre d’ecclésiastiques. Pourtant, il faut dire: la
théologie sans la foi, basée seulement sur la recherche et les analyses
historiques tue l’esprit!
(...)
Ce ne sont plus les normes de la foi qui déterminent le service divin
et l’instruction religieuse mais l’initiative libre du groupe. Le
fidèle qui était comme chez lui dans l’Eglise catholique traditionnelle
se sent tout à coup laissé seul ou livré à ce que le groupe lui impose!
Ainsi, se former une opinion indépendante concernant le problème si ce
qu’on lui présente est encore compatible avec la religion jadis
pratiquée devient presque impossible pour l’individu. Certes, des laïcs
pieux, priants, bénis et vivant saintement ont toujours fait des
suggestions précieuses à l’Eglise ou proposé des initiatives,44) mais
le magistère ordinaire était toujours le magistrat de l’Eglise appelé
par Dieu qui donnait la confirmation de l’Eglise à ces initiatives.45)
Si de nos jours, l’ «église» ne sait plus accomplir que la tâche
d’aider les hommes dans leur besoins de ce monde, elle fait d’elle-même
la servante du monde. Déjà Solschenizyn a reproché au patriarche
moscovite l’attitude servile de celui-ci envers le gouvernement
soviétique. Une église qui sacrifie sa propre foi, la chose plus
précieuse qu’elle possède, pour la paix du monde fait d’elle-même la
servante du monde. Prévoyant perspicacement cette possibilité, le Pape
Léon XII (1878-1903) a introduit les prières après la sainte messe,
spécialement celle pour la liberté et l’exaltation de notre sainte
mère, l’Eglise. On a supprimé ces prières en tout secret en donnant
pour justification l’arrière-plan historique de l’époque, la perte de
la souveraineté mondiale du Pape. Quelle justification cousue de fil
blanc! La flagornerie de l’église devant le monde au détriment de sa
revendication d’avoir la vérité est beaucoup plus grave que la perte
des Etats de l’Eglise!
On me répliquera que même aujourd’hui encore, les autorités suprêmes
freinent des changements un peu trop osés, que le contrôle fonctionne
encore et que cela provoque souvent de violentes protestations parmi
les progressistes. Qu’on ne se lasse pas tromper! Même les innovateurs
doivent en quelque manière tenir compte du sensus fidelium, du sens
fidèle des catholiques pratiquants. L’on dit: ce qui n’est pas encore
possible aujourd’hui pourra être introduit d’emblée demain. Une preuve
de cette arrière-pensée est l’indication souvent donnée qu’on a donc
agi trop vite. Cela prouve que ce n’est plus la vérité inchangeable à
laquelle on croit mais l’évolution nécessaire.
Mais il y a la fin de chaque vie en ce monde qui nous attend
définitivement, le jugement: soit on est choisi, soit on est condamné.
Celui qui néglige la plus grande valeur qui existe et pour laquelle le
Fils de Die s’est fait crucifier en faveur d’une évolution de ce monde,
d’un avenir rassurant ou d’un beau rêve, a porté atteinte à l’offre
d’amour de la part de Dieu. Il a méprisé le mieux. Donc il perdra aussi
le mieux pour toujours. Soit le ciel, soit l’enfer nous attendent, il
n’y a pas moyen d’y échapper de même que nous ne pouvons pas échapper à
la mort. On garde largement le silence sur ce sujet! Quelques-uns le
considèrent comme incompatible avec l’amour et la miséricorde de Dieu.
Ils attribuent même faussement du sadisme aux saints du ciel qui –
selon eux – peuvent exulter tout en connaissant les tourments terribles
des condamnés. Mais nous, nous voulons nous arrêter devant cette
circonstance. La crainte de Dieu est le début de la sagesse. Celui qui
ne craint Dieu ni ne l’honore ni ne l’aime n’a pas accès à Son amour.
Marie, la sainte Vierge et Mère de Dieu, n’avait à craindre aucune
punition de Dieu, mais cependant, elle vivait dans la plus grande
crainte de Dieu. Elle n’a craint rien de plus que de faire quelque
chose qui pourrait blesser l’amour de Dieu et offenser Dieu. Si nous
avons trébuché dans la vie, ce n’est que la crainte de Dieu qui peut
nous faire reconnaître à quel danger nous nous sommes exposés. Seule la
crainte de Dieu nous peut mettre dans les bras de la miséricorde de
Dieu, de sorte que nous cherchons et estimons ses sacrements, que nous
nous inclinons devant Sa croix Et y trouvons le salut. Car nous nous
épouvantons en voyant que c’est justement la crainte de Dieu qui ne
devra plus être enseignée aux enfants à l’école!
«Jerusalem, Jerusalem, convertere ad Dominum, Deum tuum!»
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Annotations:
1) Matt 28,19
2) Eph 3,8 suiv.
3) Wilhelm Pichler: «Catéchisme de la religion catholique”», Bozen 1958, p. 11: Les six vérités fondamentales
4) Rom 1,5 ; Hébr 11,6
5) 2 Macc 7,28
6) Ps 19,2: «Le ciel proclame la gloire de Dieu».
7) N. d. l. r.: tandis que chez Hegel, le schéma thèse, antithèse,
synthèse finit dans la contradiction, Fichte s’en sert méthodiquement
pour arriver au point culminant, à la mise absolue, à la cause en soi,
à l’absolu, à Dieu.
8) Gen 2,1-3
9) Sir 1,14
10) Jean 1,1
11) Jean 10,30
12) Gen 1,27
13) Jean 1,14
14) Jean 1,5
15) Jean 3,20
16) Jean 18,37
17) Jean 18,38
18) Jean 1,5
19) Eph 3,9
20) Matt 6,33
21) Matt 16,26
22) Nomb 23,19 ; Jacques 1,13
23) Luc 16,8
24) Gal 1,8 suiv.
25) voir Martin Luther : «Le grand catéchisme», Gütersloh 1995 ; ibid. : «Le petit catéchisme», Gütersloh 1958 et autres
26) Jean 14,27
27) Matt 4,9
28) Rom 11,25 suiv.
29) Jean 14,28 ; voir aussi 1 Cor 15,28
30) Luc 22,42
31) Matt 19,28 : «Quand le Fils de l’homme sera assis sur son trône
glorieux dans le monde nouveau, vous, les douze qui m’avez suivi, vous
serez également assis sur des trônes pour juger les douze tribus
d’Israël.»
32) 1 Jean 4,16
33) Symbole des apôtres – version ancienne
34) Phil 3,20; 1 Jean 2,15
35) Litanie de tous les saints – version plus ancienne
36) St. Augustin : «Confessions»
37) voir Gen 1,3
38) Matt 6,33
39) Jean 18,37
40) voir Matt 28,19 ; Marc 16,15 suiv.
41) Matt 23,2 suiv.
42) C’est ce que dit le «Bewegung für eine lebendigere Kirche» (mouvement pour une église plus vivante).
43) Jean 10,14
44) Catherine de Sienne (+ en 1380) a supplié le Pape Grégoire XI de rentrer d’ Avignon (France) à Rome en 1376.
45) Pensons par exemple aux ordres des Bénédictins et des Franciscains. Leurs fondateurs n’étaient pas des prêtres.
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